1965-01-22 : Scialet de la Combe de Fer

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Scialet de la Combe de Fer
22 janvier 1965
Année 1965
Date 22/01/1965
Massif Vercors
Département Isère
Nombre de Victimes 1
Durée 12-24h
Nombre de Sauveteurs Moins de 15

Le contexte

Le 22 janvier, une équipe composée de Jean-Paul A., de Denis et Guy B., se lance dans une exploration à la Combe de Fer. Il est 19h30. Jean-Paul A., dit Goupette, est victime d'une chute de 15 m après avoir été déséquilibré par la chute d'une pierre qui a coupé la corde d'assurance, à -110 sur le chemin du retour. Il souffre notamment d'une fracture du fémur, d'une au bassin, d'une lésion à la colonne vertébrale et d'une luxation à une épaule.

Ceux qui sortent donner l'alerte rencontrent beaucoup de difficultés pour rejoindre Corrençon car 1,10 m de neige est tombé. Ils persuadent le docteur BURLET, de Villard de Lans, de soigner le blessé sous terre. Le médecin novice en spéléologie accepte.

Le docteur et un des frère B. sont pris dans une avalanche en arrivant dans le secteur de la cavité. La victime sort ficelée sur une planche par un puits débouchant à -80 et permettant d'éviter un redoutable méandre. Des gendarmes de haute montagne aident les sauveteurs spéléologues lors de l'évacuation vers Corrençon. Une fois la victime arrivée à l'hôpital, 11 fractures seront diagnostiquées.

Témoignages

Daniel Bertrand

Daniel Bertrand nous livre ci-dessous son témoignage :

« Mon premier sauvetage pour sortir un camarade d'un gouffre s’effectue le 23 janvier 1965. Deux de mes frères et un camarade, Jean-Paul ARGOUD-PUIX, sont partis faire une expédition pour poursuivre l’équipement du gouffre de la Combe de Fer, situé à 1.700 m d'altitude. En remontant un puits de 18 m, vers 2 h 30 du matin, le camarade Jean-Paul ARGOUD-PUIX dit "Goupette" - chute d'une hauteur de 15 m en rebondissant de paliers en paliers.

Mon frère Guy reste avec le blessé, Denis sort seul du gouffre pour aller chercher du secours. Je viens de rentrer dans la nuit d'un chantier à Serre-Chevalier. À 4 h du matin, "Jésus" vient me réveiller ; dehors : une tempête, de neige et de vent.

Nous faisons appel à d'autres camarades : René MAILLARD, Christian DELMOTTE et Loulou, le frère de "Goupette”. Nous décidons d'aller, avec nos skis, prendre un télésiège qui nous fera gagner du temps en passant par le haut au lieu de prendre le chemin habituel qui, avec ce temps, nous aurait fait brasser plus d'un mètre de neige fraîche à la montée. Avec beaucoup de difficultés, nous réveillons, par le téléphone du télésiège, le préposé qui loge avec sa femme au sommet ; à cette époque, la gare motrice se trouve encore en amont (pour une meilleure adhérence du câble sur la poulie motrice).

Arrivés au sommet, toujours dans la tempête qui fait rage, avec la lumière de nos casques, nous ne voyons pas au-delà de quatre mètres et nous tentons de trouver le passage dans la falaise. Impossible ! Nous tournons pendant une heure, mes équipiers sont frigorifiés ; pour moi, vivant toujours à l'extérieur, ce temps ne m’incommode pas spécialement. Nous décidons de revenir à la gare supérieure, le problème c’est de la retrouver ! Je sais que le tracé d'un téléski existe dans le prolongement direct du télésiège ; en prenant la pente transversalement, j'espère bien croiser le câble de celui-ci. Soudain, les câbles accrochés par le faisceau de la lumière du casque brillent dans la nuit !

Mes trois compagnons préfèrent attendre le jour pour trouver le passage. De mon côté, je décide d'aller chercher d'autres membres du groupe spéléo et je reprends l'appareil. Arrivé aux pieds, par coïncidence, le peloton de gendarmerie de secours en montagne de Grenoble est là ; il attend le jour pour faire un exercice en peaux de phoques. Très surpris de me voir débarquer en tenue de spéléo, le chef m'interpelle pour me demander d'où je viens. J’explique et, il décide de nous aider mais il a besoin de l'autorisation de sa hiérarchie. Je descends jusqu'à la gendarmerie de Villard-de-Lans et en profite pour faire du ravitaillement et acheter des piles. À ma grande surprise, la 2 cv de mon frère Guy censé être resté avec le blessé, passe devant moi et monte la rue de la République; je comprends qu'il se rend chez le médecin. Je cours le rejoindre; mais le docteur est cloué par une grosse sciatique et refuse catégoriquement de venir avec nous.

À force d’arguments il se décide enfin à venir. J’essaie, en vain, de dissuader mon frère de passer par le télésiège avec le docteur. Le peloton de gendarmerie de secours en montagne me prête une paire de skis et des peaux de phoques. En chemin, nous faisons une halte dans une scierie pour prendre une planche de la longueur d'un homme et nous repartons par le chemin couramment utilisé; les gendarmes se relaient tour à tour pour faire la trace, nous brassons plus d'un mètre de neige fraîche.

Arrivés à l'entrée du trou, le chef me dit que ses hommes n'ont pas le droit de descendre mais qu'ils se chargeront du blessé une fois celui-ci sorti ; à cette époque, la spéléo leur est interdite. Je descends jusqu'au puits de 18 mètres qui domine le blessé et vois, d'en haut, le docteur qui s'active. Au bout d'un grand moment, mon frère me crie de descendre pour attacher le blessé sur la planche sur laquelle les gendarmes ont pris la précaution de pratiquer des encoches.

Sortir le blessé par le chemin utilisé couramment est une entreprise impossible vu l'étroitesse des méandres. C’est le blessé qui nous indique un puits parallèle, d'une hauteur de 50 m, et qui débouche dans les galeries supérieures avec une sortie très étroite à son sommet. Je dois attacher fermement notre blessé pour pouvoir le monter verticalement afin de pouvoir passer au sommet par l'étroiture du puits. C’est un moment difficile ; il hurle de douleur mais je suis obligé de l’arrimer fermement pour le sortir de là. Heureusement, les gendarmes prennent l'initiative de descendre la grande galerie à - 80 m. Leur savoir-faire en sauvetage et leurs compétences permettent au blessé et à son accompagnateur Christian DELMOTTE de monter sans encombre, mais aussi sans grande humanité pour le blessé ! La sortie étroite par le sommet du puits est un véritable accouchement !

Pour remonter les éboulis de la grande galerie de 300 m de long, une technique judicieuse est mise au point par les gendarmes : elle consiste à avoir, une vingtaine de mètres en amont une équipe qui tire, à l'aide d'une corde, les quatre gendarmes qui portent le blessé. Et, ainsi, de relais en relais, nous est, enfin, apparue la sortie.

Il est près de 18 h lorsque la surface est atteinte. "Goupette" est accidenté depuis plus de quinze heures, la nuit est là, il fait très froid. Nous le détachons de la planche et l’installons dans un traîneau-barquette que les gendarmes ont monté. La descente dans la neige et à travers les sapins commence, je suis devant avec Loulou à damer la neige. Le sillon profond laissé dans la neige par notre montée en peau de phoque perturbe la descente du traîneau et celui-ci se retourne fréquemment. Soudain, à une centaine de mètres devant nous, la lumière bleue de dizaines de gyrophares transperce la nuit ; Ce sont les amis, les ambulanciers et les journalistes qui nous attendent.

Il est environ 20 h, "Goupette" a chuté il y a plus de dix-sept heures... L’hôpital, mobilisé, l'attend depuis le courant de l’après-midi. Il est pris en charge. Nous, ses compagnons, avons passé le relais, et d’un coup, en même temps, le soulagement, le poids la fatigue nous tombent dessus ! Cela ne nous empêchera pas de nous rendre dans une petite auberge pour y déguster du jambon de pays et un bon gratin dauphinois, le tout arrosé d'un bon vieux vin choisi par le docteur.

Pour ma part, ce sauvetage aura duré de 5 heures du matin à 22 heures...J’ai appris par la suite que, pendant ce sauvetage, mon frère Guy et le docteur avaient été pris dans une avalanche et que, c’est par une chance inouïe qu’ils se sont arrêtés à quelques mètres du bord d’une falaise. »

Guy Bertrand

Témoignage de Guy Bertrand :

« À toi, Goupette. Nous sommes dans les derniers puits du gouffre de La Combe de Fer, après, il reste le petit méandre à franchir qui lui-même débouche en bas de la grande galerie de sortie (300 m de long et 85 m de dénivelé). Nous venons d’équiper en échelles et cordes fixes le réseau principal jusqu'à la cote moins 280 m et avons grimpés à l’instant le redoutable puits de 55 m. Je me trouve au sommet du puits de 25 m, Goupette en bas de ce puits et Denis au-dessus de moi, en haut du puits de 8 m qui accède au méandre. Il est 2h30 du matin ce 23 janvier 1965.

Nous sommes partis la veille, en fin d’après-midi, de Corrençon-en-Vercors et avons pris le télésiège de la Combeauvieux avant sa fermeture. Puis, skis aux pieds et sacs chargés, nous avons grimpé dans une neige profonde en nous dirigeant vers le Pas de la Balme et, arrivés au creux du vallon, nous avons pris la direction de la Combe de Fer plein ouest. Salués par un soleil couchant de toute splendeur, nous sommes descendus à travers les sapins chargés de neige jusqu'à l’entrée de la grotte à 1555 m d’altitude. Là, la cabane construite par notre groupe l’année dernière, nous attendait pour nous changer et descendre dans le gouffre. Nous faisons nos expéditions souterraines de nuit, pour nous permettre d’avoir les marches d’approche et de retour en plein jour avec une grande marge de temps à passer sous terre.

Le but de notre expédition est d’équiper le réseau principal jusqu'à la cote moins 280 m, afin de préparer la suite de l’exploration du réseau qui pour le moment s’arrête à la cote moins 450 m. Nous faisons partie de l’Association Spéléo Vercors, groupe crée en 1962 par "Jésus" Marcel JOUGAN, métreur à Corrençon-en-Vercors.

Le Gouffre de la Combe de Fer, situé sur la commune de Corrençon-en-Vercors, s’ouvre sur le flanc de la Combe du même nom qui, partant du Champ de la Bataille, aboutit au Pas de la Balme, au pied de la Tête de Chaudières. Il a été découvert par le célèbre MARTEL il y a une centaine d’années et on l’appelait à l’époque la Combe d’Enfer en raison de son impressionnante ouverture. Puis, il fut exploré en 1937 par le SCAF de Paris avec Mr BOURGIN, précurseur de la spéléologie, et notre populaire Villardien Mr Georges HUART qui descendent en bas du grand puits à moins 183 m. Ensuite, jusqu'en 1963, toutes les explorations butent sur l’étroit boyau au fond de ce grand puits. Cette année-là, le groupe spéléo du Centre d’Etudes Nucléaires de Grenoble et l’Association Spéléo Vercors forcent ce boyau réputé infranchissable et atteignent la cote moins 373 m. Il est 2h30 du matin, Goupette grimpe le puits en dessous de moi et arrivé aux deux tiers, lâche brusquement l’échelle et chute avec un grand cri et c’est le bruit de son corps s’écrasant sur les blocs du palier 16 m plus bas. Je suis glacé d’effroi en même temps que je refuse de croire à la réalité de l’accident. L’inimaginable s’est produit. Je descends précipitamment le puits et trouve Goupette couché sur le côté droit et gémissant. Il ne peut être que gravement blessé et avec mon frère Denis nous sommes totalement impuissants. Sans plus réfléchir, je lui crie d’aller chercher du secours.

Je demande à Goupette de bouger sa jambe gauche et, certain que sa colonne vertébrale n’est pas atteinte, je l’installe sur le dos avec un sac sous la tête. J’ai conscience que l’attente va être terriblement longue. Il gémit « j’ai mal, j’ai mal ». En fouillant dans mon sac, je trouve de l’aspirine que je lui fait avaler avec un peu d’eau. Puis, au bout d’un grand moment, « j’ai froid » ; ( la température moyenne dans le gouffre est de 3°) nos vêtements sont trempés comme à chaque descente sous terre. Nos vêtements secs se trouvent dans la cabane à la sortie. Je me défais de ma veste et de mon pull que je lui enfile. Et l’attente commence, interminable, Goupette passe de longs moments inconscient, il sait que sa situation est critique, qu’il ne va pas être facile de le sortir de ce gouffre, surtout qu’il y a ce méandre étroit en haut des puits avant de déboucher dans la galerie.

Les heures passent, je suis transi par le froid et l’humidité, mais ce froid engourdit Goupette. J’ai calculé que Denis va mettre 2 heures pour arriver à Corrençon, une heure pour organiser les secours puis à nouveau 2 heures de chemin jusqu'à nous soit 5 heures à attendre. J’ai éteint ma lampe et des gouttelettes d’eau tombant de-ci de-là meublent le silence. Le temps passe au goutte à goutte, interminable. Il est 6 heures, 7 heures, 8 heures, 9 heures et toujours pas de secours. Il s’est passé quelque chose, cela n’est pas normal que personne ne soit arrivé 7 heures après l’accident. L’angoisse et l’attente deviennent insupportables. Complètement désespéré, après beaucoup d’hésitations, je décide de laisser Goupette seul et d’aller à la rencontre des copains du groupe. Je lui dis que je pars un petit moment, en lui cachant que je compte bien descendre jusqu'au village.

Je remonte rapidement la galerie, me change puis chausse les skis. Il tempête, je ne vois pas de trace laissée par Denis et cela m’inquiète, mais, connaissant bien l’itinéraire, je descends dans une neige profonde et arrive chez Jésus à 11 heures environ. Là, j’apprends que Denis est arrivé à 4h après s’être égaré dans la forêt, ses habits gelés, au bord de l’hypothermie et de l’épuisement. Jésus est aussitôt parti chercher les copains pour organiser les secours. Je suis perplexe et me demande où ils sont passés.

Ils sont bien partis vers les 7h30, Jésus, mon frère Daniel, René Maillard, Christian Delmotte et Loulou le frère de Goupette. Après avoir fait longuement sonner le téléphone du télésiège de La Combeauvieux pour réveiller le préposé à l’appareil qui loge dans la gare supérieure où se trouve la machinerie, ils partent par le même itinéraire que nous la veille. Mais la tempête de neige fait rage, il fait encore nuit, ils ne voient pas à plus de 4 m et ne trouvent pas le passage dans la falaise. Après avoir tourné pendant une heure, complètement frigorifiés, ils décident de retourner à la gare du télésiège. Mais comment la trouver à travers ces gros flocons charriés par le vent ? Sachant qu’il y a un téléski au-dessus de la gare, ils prennent la pente par le travers et éclairent vers le ciel pour apercevoir les câbles. Enfin, ils les voient briller dans le noir. De retour à la gare, Daniel redescend afin de chercher plus d’aide et de matériel, les autres attendent le jour et le retour au calme pour rejoindre le gouffre.

Arrivé au bas du télésiège, Daniel est interpellé par une personne très surprise de le voir descendre de l’appareil en tenue de spéléo, et qui lui demande d’où il vient. Il s’agit d’un peloton de gendarmerie de secours en montagne venu faire un exercice en peaux de phoque. Après discussion avec les gendarmes, ceux-ci décident d’apporter leur aide mais il leur faut l’autorisation de leur supérieur. Ils descendent à Villard avec Daniel qui en profite pour acheter des vivres, des pansements et des piles électriques. Et quelle n’est pas sa surprise de me voir passer en 2CV. En effet, je me rends chez Mr Max BURLET médecin, où nous nous retrouvons. Déjà sollicité, Mr BURLET qui souffre d’une sciatique n’a pas voulu partir à la Combe de Fer. Je le renseigne sur l’état de Goupette et il décide de me suivre. Je quitte Daniel qui montera en peaux de phoque par le chemin, avec les gendarmes. Ils emporteront une grande planche sur laquelle on attachera le blessé. Il essaie, mais en vain, de me dissuader de passer par l’itinéraire du haut. Et nous voici vers 13 heures au sommet du télésiège, le docteur et moi-même, skis aux pieds, montant dans une neige où nous nous enfonçons jusqu'aux genoux. Heureusement la tempête s’est arrêtée.

Goupette est tombé depuis plus de 10 heures maintenant. Dans le long dévers en direction du Pas de la Balme, nous sommes entraînés dans une coulée de neige sur une trentaine de mètres et nous nous arrêtons par miracle, au-dessus d’une barre rocheuse. Je m’aperçois en reprenant le trajet que mon ski droit s’est cassé juste à l’arrière du talon. Une bonne heure plus tard, nous voici près de Goupette, Jésus et Christian sont déjà là. Mr BURLET l’examine et diagnostique des fractures multiples aux jambes, au bassin et au bras. Il lui administre un calmant et le panse sommairement. Goupette se plaint de ne plus sentir ses pieds et malgré ses hurlements, nous le glissons dans un duvet et lui faisons boire un chocolat chaud. Il a réfléchi pendant ses moments conscients, et nous fait penser que l’on peut l’extraire directement par le haut du puits au pied duquel nous nous trouvons et qui débouche à l’extrémité de la galerie, ce qui évitera le passage par le méandre, opération pratiquement impossible dans son état. Nous entendons d’ailleurs des voix tombant du haut du puits. C’est Daniel avec les gendarmes. Ils ont obtenu l’autorisation de leur supérieur, mais avec l’interdiction formelle de descendre sous terre. Daniel leur a expliqué que la galerie ne présente aucun danger et que c’est là que nous avons le plus besoin d’eux.

Goupette est ficelé sur la planche, je me suis rendu en haut du puits auprès des gendarmes et l’ascension des 40 mètres commence. Il hurle de douleur malgré les calmants, en raison de sa position verticale et des secousses de la corde. Je calme l’ardeur des secouristes et leur demande plus de douceur dans leurs gestes. L’un d’eux m’explique que lors des opérations de secours en montagnes, ils n’ont pas pour habitude de s’embarrasser de ces considérations pour les blessés. Je lui réponds que Goupette n’est pas encore mort. Enfin nous nous retrouvons tous dans la galerie et alors commence une progression harassante et pénible à travers les gros blocs de rochers qu’il faut sans cesse escalader ou contourner. Les porteurs sont rapidement épuisés et nous devons nous relayer à chaque instant. Il est près de 18 heures lorsque nous arrivons en surface.

Goupette est tombé depuis plus de 15 heures maintenant. La nuit est déjà arrivée, il fait très froid, autour de moins 10°. Nous détachons Goupette de la planche et l’installons dans un traîneau-barquette que son frère a amené. La descente dans la neige et à travers les sapins commence, nous sommes deux devant et deux derrière à tenir les bras du traîneau et malgré cela, nous ne pouvons empêcher qu’il se retourne plusieurs fois tellement le relief est tourmenté et la neige profonde. Nous nous relayons souvent et avec mon ski cassé j’assure mon tour comme les autres. Nous ne distinguons plus si nous passons la main à un spéléo où à un gendarme et nous avançons sans relâche, ignorant la fatigue.

Soudain, à une centaine de mètres devant nous, nous apercevons une multitude de lumières qui nous éblouissent. Ce sont les amis, les ambulanciers et les journalistes qui nous attendent. À ce moment-là, je suis devant et je sens que l’on me pousse violemment et que l’on m’arrache la main de la poignée du traîneau. C’est le chef du peloton qui veut être photographié par la presse en bonne position. Il est 20 heures environ, Goupette est tombé depuis plus de 17 heures maintenant.

L’hôpital attendait Goupette depuis le courant de l’après-midi et s’était mobilisé. Il est pris en charge par d’autres que nous, ses compagnons, et le soulagement en même temps que la fatigue nous tombent soudain dessus. Cela ne nous empêche pas de nous retrouver autour d’un bon repas pour terminer la soirée.

Il a été relevé 11 fractures à Goupette, mais il s’en est bien remis ; malheureusement, nous n’avons pas assez pris conscience du froid qu’il faisait à la sortie de la Combe de Fer. Il s’est retrouvé avec un pied gelé et, le restant de ses jours, nous le verrons déambuler en pantoufles.

Ce 23 janvier 1965 a été le plus long jour de ma vie. Goupette, de son vrai nom Jean-Paul ARGOUD-PUIX, né en 1944, est décédé en 1991. »

Raymond Maho

Raymond MAHO cite cette opération dans son livre J'ai marché sous la terre [1] :

« Le 22 janvier 65, dans la Combe de Fer, trois spéléos de l’ASV remontent vers minuit de la cote – 250. Dans un puits de 35 m, lorsque le troisième se trouve sur l’échelle, un bloc tombe, coupe la corde d’assurance et provoque la chute du spéléo d’une quinzaine de mètres. Fracture du bassin, d’un fémur, lésion de la colonne vertébrale et luxation d’une épaule.

Un collègue reste près de lui et le deuxième sort donner l’alerte. Il rencontre des gendarmes du secours en montagne en exercice dans la région. Quatre sauveteurs et un médecin sont à l’entrée de la cavité à huit heures. Ils atteignent le blessé à neuf heures trente.

À vingt heures, le blessé est sorti de la Combe de Fer, et après une descente en traineau Porchier, une ambulance le prend en charge à vingt-deux heures. »

Epilogue

Cette évacuation, mentionnée par Fernand PETZL, a nécessité au maximum 15 sauveteurs.

Le montant des vacations (500 Francs) et celui du matériel perdu (100 Francs) laissent présumer qu'il s'agit d'une opération de faible ampleur.

Sauveteurs engagés

Ont notamment participé à cette opération :

Guy BERTRAND Max BURLET (docteur) René MAILLARD Des membres de l'AGSHM dont l'adjudant AUGEROT
Denis BERTRAND Marcel JOUGAN dit Jésus Christian DELMOTTE Loulou ARGOUD-PUY
Daniel BERTRAND

Documents

Articles de presse

Sources

  1. La page internet relative au club ASV itopipinnuti.pagesperso-orange.fr/Fichiers/EXPO_ASV.docx
  2. Le compte-rendu de Fernand PETZL.
  3. L'article du Dauphiné Libéré en date du 24 janvier 1965.

Notes et références

Références

  1. Raymond MAHO - J'ai marché sous la Terre, Autres Talents, (2017)