1968-08-17 : Gouffre Berger
| Année | 1968 |
|---|---|
| Date | 17/08/1968 |
| Massif | Vercors |
| Département | Isère |
| Nombre de Victimes | 1 |
| Durée | Plus de 4 jours |
| Nombre de Sauveteurs | 87 |
Le contexte
Le 17 août à 2 heures, alors qu'il participe au déséquipement du gouffre Berger, Yves P. du club des Routiers Spéléo Belge chute de 25 m à -620 m, après une rupture de corde. Il descendait de ce qui allait devenir le réseau Yves. Le gouffre Berger connaît à ce moment-là une crue exceptionnelle. Certains passages habituellement à sec se trouvent sous 4 m d'eau. L'ampleur de l'événement est telle que 3 spéléologues sont bloqués derrière un siphon formé dans les Couffinades, 3 se réfugient en opposition au sommet de la cascade Claudine et 2 au pied de ladite cascade.
Le 17 à 9h00, en l'absence de Fernand PETZL, Guy BERTRAND, son adjoint, est joint par la gendarmerie. Une caravane de l'ASV se prépare et part en une heure, elle est au bord du gouffre vers 11h30. Les frères Alain et Daniel BERTRAND s'engagent les premiers dans la cavité ce même jour à 12h45. Arrivés au sommet du puits Aldo, ils hésitent car le débit est trop important, il est 15h00. Ils progressent lentement. À 18h00, ils sont au lac Cadoux et à 19h17, ils se trouvent au sommet de la cascade du Petit Général.
Le dimanche 18, au bout de 12 heures et après avoir frôlé la mort par noyade, ils découvrent Yves P. couché à même le sol, en compagnie du chef de l'expédition, Claude DB., muni d'une bougie ! Se pensant gravement blessé, le belge supplie les sauveteurs de le laisser mourir là. Pendant ce temps, un camp de surface est installé par les membres de l'ASV. Des renforts de l'ASV arrivent. Les frères BERTRAND mettent le blessé au chaud et au sec 20 mètres au-dessus de son point de chute trop arrosé. Il est conditionné dans une tente. Le blessé semble souffrir de multiples fractures. L'évacuation s'annonce difficile. Les sauveteurs se trouvant à son contact demandent des renforts en utilisant le téléphone installé par leurs soins pendant la descente. Ils organisent ainsi l'opération depuis -620.
À 11h25, le Docteur BURLET, déposé par hélicoptère, effectue une consultation médicale par téléphone avec le blessé et les frères BERTRAND. Des spéléologues affluent du Vercors, de Grenoble et de l'Ardèche. Le dimanche 19 à 7h30, une équipe descend des duvets, des vêtements chauds, de la nourriture et des médicaments. Elle fait contact avec le blessé et l'équipe de reconnaissance à 15h45. La planche parvient à -620 avec d'autres sauveteurs une demi-heure plus tard. Pour Daniel BERTRAND, il s'agit de la 9ème évacuation effectuée sur ce type de support.
À 16h25, l'effectif sous terre étant suffisant, l'évacuation débute. Ce même jour, à 20h00, le blessé saucissonné à la planche parvient au Balcon. Les galeries qui suivent sont franchies en tyrolienne pendant qu'un flux continu de sauveteurs vient renforcer le dispositif, tant sous terre qu'en surface.
Le lundi 19 août, à 0h45, le blessé arrive à -500. À 9h00, l'évacuation reprend, le brancard passe la cascade de la tyrolienne vers 15h30. Une heure plus tard, il franchit la cascade du Petit Général. Le lac Cadoux est franchi à 16h30. Et à 22h30, il est conditionné sous une tente à -250. Pendant cette journée, les sauveteurs glissent et font tomber la civière. Yves P. s'en tire avec une blessure légère au visage. Cette information a été cachée par les responsables de l'opération pour ne pas affoler l'opinion.
Le mardi 20, à 8h30, Yves P. quitte la tente de -250. À 10h00, il est au sommet du puits Aldo et à 13h15, il remonte le puits Gontard. Il est 22h30 quand il arrive au puits Garby.
Le mercredi 21, le blessé atteint le bas du Puits du Cairn à 3h30, il se repose un peu. Yves P. sort du gouffre le 21 août à 7h25. La presse recueille alors ses 3 premiers mots : « terrible, terrible, terrible ». Puis il lâche « c'est merveilleux de retrouver le soleil après une longue nuit ».
L'évacuation a duré 5 jours, record pour l'époque.
Témoignages
Daniel Bertrand
Le témoignage de Daniel BERTRAND, dont s'est le dernier sauvetage, est reproduit partiellement ci-dessous. Bien que rédigé en 2010, il restitue bien l'ambiance de ce sauvetage hors norme pour l'époque, du fait de la profondeur et des conditions météorologiques.
« Une des tâches les plus difficiles maintenant est de fixer correctement le blessé sur la planche car il doit pouvoir être manipulé verticalement ou horizontalement sans le moindre glissement sur celle-ci. Malgré l’injection que je lui administre à chaque heure lors du serrage de la corde qui le ligature comme un rosbif, il hurle de douleur et l’équipe de soutient ne supporte pas ces cris et me traite de gestapo. Je sais bien qu’il faut en passer par là pour éviter à tout prix des lésions irréversibles de sa colonne vertébrale. Il est le neuvième blessé que j’attache ainsi.
La remontée des galeries commence et le portage de la civière dans les éboulis n’est pas une sinécure. Je place alors une équipe de tractage en haut avec une corde, la seconde équipe de portage se laisse tirer mais les résultats sont rapidement épuisants. Une solution de roulement d’équipes toutes les deux heures doit améliorer le rendement et j’en avise la surface qui va gérer ces remplacements depuis le QG. En même temps que nous réglons ces problèmes immédiats je pense avec appréhension à ce qui nous attend pour la traversée de la Grande Salle qui est si vaste que Notre Dame de Paris y tiendrait à l’aise. De plus, ses énormes blocs de rochers tombés du plafond, de la taille de maisons entières qu’il faudra contourner, escalader, redescendre, la partie n’est pas gagnée loin s’en faut. Ce sont des heures et des heures de cheminements difficiles qui nous attendent. Une idée probablement liée à mon activité professionnelle germe dans ma tête : puisque le sol est pourri et chaotique, pourquoi ne pas installer un téléphérique par-dessus tout ça.
Le téléphone une fois de plus me permet avec mes frères de mettre au point la logistique et la réalisation de tout le système envisagé. Notre arrivée au surplomb de la Grande Salle se réalise enfin après des heures de remontée exténuantes. L’équipe installation que mes frères ont géré a tendu un câble à l’aide d’un pull lift, ces derniers ne se sont occupé que de la mise en place technique (les ancrages, les treuils, les poulies etc...). Ils ont utilisé comme ancrages de part et d’autre de la salle, d’énormes stalagmites. En arrivant sur place j’ai fait régler la flèche du câble. La taille de cette salle est tellement imposante que je suis obligé de communiquer par téléphone d’un bout à l’autre de celle- ci. La civière est suspendue (planche et blessé) sous deux poulies qui roulent sur le câble à 30 mètres de hauteur (10 étages) et est tractée par une corde de 8 mm : cette corde est fixée aux deux poulies par sécurité et pour le confort.
La grande salle franchie tout n’est pas fini, ce serait trop facile, il nous reste à passer les grands éboulis par le même procédé, mais la corde de traction ne peut plus être utilisée vu la pente importante du câble ; elle ne permet plus une traction manuelle. Nous décidons avec mes frères d’assurer la traction par treuil ce qui garantit en plus une progression régulière et sans a coups pour le blessé.
L’évacuation de Yves PEETERS (- 620 mètres) blessé le plus profond du monde vient de se réaliser après avoir pas à pas gravi des éboulis, monté et descendu des kilomètres de galeries, traversé des salles immenses, lutté contre une rivière en furie où mon frère Alain failli perdre la vie, équipé des puits arrosés ou non, tout cela en 80h dont deux heures de sommeil. »
Mode de communication
Dans son précieux témoignage, Daniel BERTRAND décrit le mode de communication de l'époque dans un gouffre Berger où se trouve une ligne téléphonique à perpétuelle demeure :
« Notre système de téléphone était unique, un amplificateur en plus d’un magnétophone permettait à l'équipe de surface d'écouter et d'enregistrer toutes les conversations. Les appareils portatifs à quartz, sans apport d'énergie (pas plus gros qu'une tasse de café) pouvaient se brancher n'importe où sans couper le fil. Deux pinces crocodile, avec encoche en v en plastique d'une part et d'autre part une aiguille soudée, permettaient de percer le fil, et ainsi de rentrer en communication soit avec la surface soit avec une équipe en amont ou en aval dans le réseau. »
Raymond Maho
Raymond MAHO commence et termine son récit par cette opération [1] :
« Samedi 17 août 1968, il est 9 heures, j'ai décidé de faire la grasse matinée d'autant plus qu'un déluge s'abat sur la région. La sonnette de l'entrée me sort de ma torpeur, un instant plus tard ma mère entrouvre la porte de ma chambre. – C'est ton copain. – Lequel ? – Celui qui est roux, ça doit être grave. – Qu'il soit roux ? – Mais non, qu'il vienne à cette heure là.
Je rejoins Alain Pouteil-Noble dans le couloir.
– Un problème ? – Oui, un accident au gouffre Berger – Qui ? – Un belge vers la cote moins 600, il serait bien amoché. Nous avons rendez-vous à la caserne des sapeurs-pompiers de Seyssinet dans une heure. – OK, je prépare mon sac, on se retrouve là-bas.
J'avale rapidement mon petit déjeuner et descends à la cave où j'entrepose mon équipement de spéléo, mon sac tyrolien est rapidement rempli et peu de temps après je me présente à la caserne, il pleut toujours. Je retrouve Alain avec à son côté Patrick Dupille. Ils sont tous deux comme moi membres actifs du S.G.C.A.F. (spéléologues Grenoblois du Club Alpin Français). Je regarde Alain : - Et les autres ? - Nous sommes en plein mois d’Août et je n'ai pu contacter que vous deux. En attendant, nous parlons des derniers événements qui se sont produits dans le gouffre Berger. Le 3 août, vers dix-neuf heures, il s’est déjà produit deux accidents. Le premier dont a été victime Bertrand Léger s’est produit vers la Raymond Maho 6 cote -50 au niveau du puits du Cairn. Il a chuté de quelques mètres et s’est blessé à une cheville. Il a pu regagner la surface par ses propres moyens. Le second, c’est Georges Marbach qui a fait une chute d’une quinzaine de mètres dans le puits Aldo. C’est Guy Bertrand, adjoint de Fernand Petzl (responsable des sauvetages en grotte auprès de la protection civile) qui organise les secours en faisant appel aux spéléos de l’Association Spéléo Vercors, des spéléos de la MJC la Tronche et des Spéléos de la Seine (SCS). Le docteur Burlet de Villard-de-Lans ainsi qu’un autre médecin et des spéléos Belges se joignent aux sauveteurs. Au total, une cinquantaine de spéléos ont pris part au sauvetage. Georges Marbach a le bras droit cassé et les radios effectuées à l’hôpital révèleront une petite fracture à la colonne vertébrale. Il est ressorti du gouffre une vingtaine d’heures plus tard. Toujours en ce début août, un spéléo âgé de dix-neuf ans a été tué par une chute de pierre dans le gouffre Marcou dans le département de l’Hérault. L'attente est de courte durée, un pompier en tenue nous désigne un fourgon, il nous indique que nous allons faire un détour par les cuisines de l’hôpital de La Tronche avant de prendre le chemin du Vercors. Nous embarquons et prenons la direction de l’hôpital au son de la sirène. Après avoir traversé Grenoble à une vitesse record, nous chargeons d'énormes containers et retraversons Grenoble cette fois en direction du Vercors. Pendant le trajet, nous ouvrons l'un de ces containers, il contient un potage au légume dont l'odeur est tellement alléchante que nous ne pouvons-nous empêcher d'y goûter à l'aide d'une énorme louche. Nous sommes loin de nous douter que c'est le dernier repas que nous faisons avant longtemps. J'ai marché sous la terre 7 Arrivés à la Molière nous descendons du fourgon et nous dirigeons en direction du gouffre berger, la pluie s'est arrêtée. Non loin du gouffre nous rencontrons quelques spéléos dont Fernand Petzl qui nous confirme ce que nous savions déjà mais avec plus de détails. À cet instant, un spéléo qui était posté en sonnette au sommet du puits Garby nous rejoint et nous informe que le débit de l'eau a diminué et qu'en fonçant il serait possible de franchir les autres puits. Aussitôt, Petzl décide de profiter de cette accalmie pour former une première équipe de secours avec pour mission d'atteindre le plus rapidement possible le blessé afin de lui prodiguer les premiers soins. Avec Alain et Patrick, je suis l'un des six volontaires ainsi que deux spéléos de l’Ardèche qui ont la particularité d'être frères jumeaux et un spéléo Daniel Bertrand, de l'association spéléo Vercors, dont plusieurs de ses frères font partie. C'est lui qui prend la tête de l'équipe. Après nous être équipés, nous nous chargeons le moins possible, aucun équipement personnel dans les sacs, uniquement du carbure et le nécessaire médical pour les premiers soins. Je remarque que comme moi Alain a enfilé sa pontonnière (pantalon en caoutchouc étanche des pieds jusqu'à la poitrine). À 12 h 45, nous pénétrons dans le gouffre ce samedi 17 août 68. J'ai 22 ans et c'est ma troisième expédition de secours. Descente des 30 mètres du puits Ruiz, les ressauts d'Holiday-on-Ice et le puits du Cairn de 25 mètres ensuite nous traversons le méandre en opposition au-dessus d'un vide qui atteint plusieurs dizaines de mètres. Quelques années auparavant, j'avais participé à la pose de planches soutenues par des madriers coincés en travers de ce méandre. Aujourd'hui, une bonne partie de ces planches ont disparues, celles qui restent n'inspirent qu'une confiance relative. Nous progressons lentement, l'eau suinte sur les parois et tombe en pluie par endroit. Nous atteignons le boudoir et entamons la descente du puits Garby d'une quarantaine de mètres, l'eau tombe en cascade juste à l'endroit de notre descente. Ma pontonnière ne me protège guère l'eau Raymond Maho 8 pénétrant par mon cou et le long de mes bras jusqu'à ma poitrine. Ensuite le puits Gontard de trente mètres, le débit est de plus en plus fort. Enfin, le puits Aldo, magnifique descente en plein vide d'une quarantaine de mètres. Cette fois, nous sommes copieusement arrosés. Nous serions incapables de remonter ce puits sous cette douche. Nous atteignons la cote moins 250, une pause avant de continuer notre chemin. À part Alain et moi, les autres collègues sont trempés jusqu'aux os. Nous reprenons la progression sans un mot dans une immense galerie, très vite nous butons sur trois plans d'eau successifs, un canot repose sur la berge du premier, il a la particularité d'avoir un soufflet soudé sur un côté ce qui facilite son transport et évite de l'égarer, il permet aussi lors d'une traversée de le maintenir gonflé en cas de petites fuites. Les uns après les autres nous nous regroupons sur les margelles boueuses de ces plans d'eau. Nous perdons un temps précieux en manœuvre de va et viens, ensuite le lac Cadoux qui se franchit sans difficulté. Nous traversons la salle Bourgin et ses grosses colonnes. Plus loin, un grondement nous annonce la cascade du Petit Général d'une dizaine de mètres, le débit de l'eau est énorme, là encore nous perdons du temps. Les embruns achèvent de nous transformer en éponge, à la suite nous descendons la cascade de la Tyrolienne, toujours un énorme débit, la descente dans le grand éboulis se fait lentement et nous atteignons la mythique salle des treize située à la cote moins 500, qui a servi de camp de base à de nombreuses expéditions, en particulier aux anciens de notre club qui ont découvert et exploré ce gouffre en y battant le record du monde de profondeur (-1122 mètres) en 1956. Une tente y est dressée, je suis loin d'imaginer à cet instant que je vais y être immobilisé un certain temps. Un bref arrêt et nous continuons notre progression, 7 heures après avoir pénétré dans le gouffre nous atteignons le blessé à la cote moins 600, lorsque nous apercevons la tache claire de la tente qui abrite le spéléo Belge nous devons tous nous poser la même J'ai marché sous la terre 9 question : Vivant ? Mort ? S'il est vivant, nous imaginons l'émotion qu'il doit ressentir à notre approche. Bertrand pénètre dans la tente, un instant plus tard des gémissements en sortent : vivant. Aussitôt nous déballons le contenu de nos sacs, Bertrand réclame la morphine, nous lui passons la boite de seringues, les gémissements cessent rapidement, Bertrand nous donne un premier bilan, fracture d'une épaule, d'un bras, quelques côtes cassées et la colonne vertébrale sûrement touchée car il ne peut bouger le bas de son corps (fracture du bassin). Nous nous branchons sur la ligne qui permet le contact téléphonique avec la surface. Bertrand fait le résumé de la situation et demande qu'une planche d'au moins 5 cm d'épaisseur et de dimension qui permette d'y placer le blessé nous soit descendue. Des trous doivent être percés tous les 10 cm de chaque côté de cette planche pour permettre d'y ficeler notre blessé, en retour, nous apprenons que la deuxième équipe de secours qui devait nous rejoindre avec du matériel et des vivres n'a pu pénétrer dans le gouffre à cause de la pluie qui retombe sur le secteur, rendant les puits impraticables. Bertrand rejoint le blessé pendant que nous préparons les bandelettes en les enduisant de plâtre, en peu de temps nous sommes tachés de blanc des pieds à la tête. Malgré la morphine, ses cris nous transpercent pendant le plâtrage de son bras. Puis la longue attente commence, transis de froid nous tremblons de tous nos membres en claquant des dents, la buée de notre expiration trouble la vue, nous avons beau bouger tous nos muscles, tourner en rond ou encore nous secouer mutuellement, rien n'y fait. Pour Alain et moi, la pontonnière nous permet de garder la légère chaleur de notre corps, mais ne nous isole du froid que très légèrement, Bertrand, lui, a l'air de supporter l'épreuve mieux que nous, par contre, les deux frères et Patrick sont complètement gelés, ils décident sagement d'entamer la remontée. Nous restons à trois auprès du blessé. Raymond Maho 10 Le dimanche 18 Août, à 7h 30, une équipe pénètre enfin dans le gouffre avec ravitaillement et médicaments. À 10h30, une deuxième équipe descend avec la planche et du gros matériel, vers 16h les deux équipes nous ont rejoints. Vers 17h, le blessé ficelé sur sa planche est installé à l'aide de deux poulies sur un câble tendu au plafond de la galerie rectiligne à cet endroit. Pour notre part, notre intervention étant terminée, nous envisageons la remontée. Au cours de ma progression, je me trouve sous le blessé qui coulisse sur son câble 3 mètres plus haut, et c'est l'incident brutal, inattendu. Je reçois un choc énorme dans le dos, à la hauteur des omoplates, j'ai le temps de réaliser que c'est la planche et le blessé qui m'ont heurté, à mes côtés, un collègue reçoit le choc sur une épaule et un autre par chance n'est heurté que sur le rebord de son casque, ces chocs ont sûrement permis de redresser la planche évitant ainsi au blessé de s'écraser de face sur le sol. Il s’en tire sans séquelles, mais avec une grosse frayeur. Pour ma part, je suis KO debout, je titube et m'appuie contre la paroi, j'ai le souffle coupé, je halète n'arrivant pas à reprendre ma respiration, une douleur atroce m'en empêche, j'évite de paniquer. Les quelques paroles que je capte me font comprendre que c'est un anneau brisé servant à relier le câble à son élingue de fixation qui s'est ouvert sous la traction conjuguée d'un tire-fort et du poids du blessé qui doit dépasser les 100 kg. Les collègues s'affairent auprès du belge toujours ficelé sur sa planche, pour ma part je ne veux pas que l'on me touche, respirer c'est tout ce que je désire. Peu à peu la douleur s’atténue légèrement mais je ne peux bouger ni la tête, ni les bras. Dès que je fais un mouvement du haut du corps, la douleur devient fulgurante. Au bout d'un laps de temps, je suis raccompagné jusqu'à la salle des Treize, après m'avoir déshabillé et gavé d'antalgiques je suis installé dans un sac de couchage sous la tente et je m'endors presque aussitôt le souffle court allongé sur le dos, les bras le long du corps. De temps en temps, j'émerge de mon sommeil et me rendors aussitôt. La douleur s’atténue lentement sauf quand je bouge les épaules ou que je veux respirer à fond. Je suis J'ai marché sous la terre 11 incapable d’estimer le nombre d'heures que je passe immobilisé à cet endroit, de plus comme à chaque grande expédition je ne porte pas ma montre. Malgré ma situation, je trouve l'aventure peu banale, du statut de sauveteur je me retrouve à mon tour immobilisé. »
Maurice Chazalet
Epilogue
Sauveteurs engagés
Le Spéléo Club Roma
Le Consul Général de Belgique
Notes et références
Références
- ↑ Raymond MAHO - J'ai marché sous la Terre, Autres Talents, (2017)