1982-07-11 : Dent de Crolles : Différence entre versions

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== Témoignage ==
 
== Témoignage ==
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Sur l'accident Baudouin LISMONDE écrit :
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''« Tout s’est passé très vite. Je n’ai pas eu peur et à peine mal, mais le choc a été formidable. Les bruits des pierres s’arrêtent. Mon corps est complètement désorganisé, il ne m’envoie aucun signal intelligible. Mais je ne suis pas mort. Je rassemble mes esprits. Il me semble que ma bonne étoile est avec moi et que je m’en tirerai avec seulement de gros hématomes par tout le corps. Je me dresse sur mes pédales et commence à examiner mon corps. Je tends mon bras gauche, il n’a rien. Je tends ma main droite et regarde l’endroit qu’elle devrait occuper : il n’y a que le vide. Le bras non plus n’est pas là ! Pendant une seconde, l’idée affreuse qu’ils ont été arrachés m’effleure. Un coup d’œil le long de mon corps me montre le bras qui pend complètement inerte. Je comprends aussitôt qu’il est cassé. Tristesse... Ma bonne étoile m’a abandonné aujourd’hui. Cela va se terminer par un sauvetage et toute sa difficulté m’apparaît aussitôt.''
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''Thierry, au-dessus, s’inquiète et me demande si ça va. Je lui annonce avec une voix que j’aurais voulu plus ferme, mais où je sens un tremblement, que mon bras est cassé et qu’il faut prévenir les secours. Il transmet les nouvelles et les instructions à Olivier au sommet du puits. Je m’examine plus soigneusement. Je suis accroché à mes bloqueurs par le baudrier de poitrine dans une position bien inconfortable. En me redressant sur mes pédales, j’ai senti une forte douleur à la hanche droite qui m’empêche de continuer la remontée et je sens le sang qui commence à remplir doucement le gant de la main droite. Je me sens très faible et j’ai peur de perdre connaissance au milieu de ce puits dans une position aussi précaire. Je pense à la petite plateforme que j’ai vue il y a quelques instants à peine et ma décision est vite prise d’attendre les secours à cet endroit.''
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''Je demande à Thierry de descendre aux bloqueurs sur la corde pour m’aider à mettre mon descendeur (manœuvre qui nécessite les deux mains). Il me rejoint bientôt. Je le mets au courant de mes intentions. Il est visiblement très ému et navré de cet accident et je me souviens de ses mots “Quand je pense que j’ai failli te tuer“. Il m’explique les circonstances de la chute des pierres, mais je n’ai qu’une idée : descendre le plus vite possible car la douleur commence à se préciser dans mon corps. Il installe mon descendeur. Je fais une clé dessus, me redresse et descends aux bloqueurs jusqu’à ce que le descendeur soit en tension. J’ai beaucoup de peine à effectuer les manœuvres, mais ne fais aucune faute. Je défais mes bloqueurs et me laisse descendre jusqu'au nœud où je m’arrête. Thierry me rejoint, met mon descendeur, mais le mousqueton se coince au-dessus du nœud et la manœuvre échoue. Je me sens de nouveau très faible et j’ai peur de perdre connaissance. Je me force néanmoins, monte sur mes bloqueurs et nous recommençons la manœuvre plus posément. Elle réussit, et je me laisse glisser sur la corde. L’idée me traverse l’esprit que la corde est peut-être endommagée et j’essaye de la contrôler au passage. Tout le long de la descente, les dégoulinades de sang sur la paroi me font une impression assez pénible (mon gant a dû déborder). J’arrive à la plateforme. Un premier pendule échoue, mais au 2e, j’arrive à prendre pied. En fait, ma hanche me fait tellement mal à présent que je ne peux rester debout et je me couche aussitôt sur le côté gauche en prenant soin de poser mon bras droit dans une position pas trop douloureuse.''
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Thierry me rejoint peu après. Il m’aide à m’installer sur cet emplacement très exigu. Deux parois limitent la place sur deux côtés, les deux autres débouchant sur le vide. Thierry me donne sa combinaison pour me la glisser sous le dos. Je n’ai qu’un rhovyl et ma combinaison, et ils sont humides de transpiration. Rapidement, j’ai froid. Je fais le compte de mes blessures maintenant que les signaux venant de mon corps sont intelligibles. Fracture ouverte du bras. Il me semble aussi fracture des côtes vu ma difficulté à respirer. Fêlure probable du bassin au niveau de la hanche droite. J’ai tout le dos douloureux, mais rien de grave de ce côté. Je bouge mes doigts de la main droite, il n’y a pas de perte de sensibilité. J’ai du mal à maîtriser les muscles de mon bras droit et quand je pivote sur le côté pour soulager mon dos endolori qui repose sur les cailloux, quelques mouvements de mon biceps droit réveillent une douleur intense. Par la suite, j’arriverai à tenir ces muscles totalement inactifs, même pendant les courtes phases d’endormissement. Thierry me raconte une nouvelle fois, les circonstances de la chute de pierre. Pour envoyer le caillou dans le puits parallèle, il a pendulé sur la corde qui était accrochée au-dessus. Au cours du pendule, la corde a touché la voûte du puits et a décroché les blocs dont un lui est même tombé sur le pied. L’accident a dû avoir lieu vers 15 h. Je calcule le temps qu’il faut à Olivier pour aller chercher les secours. Je pense que si l’hélicoptère est libre et peut monter avant la nuit, j’aurai quelqu’un à 23 h. Je n’ai plus qu’à patienter. Ce n’est pas mon bras qui me fait le plus mal mais mon diaphragme et mes côtes. Mais la douleur est supportable. Thierry me demande si je connais les points de compression au cas où mon bras continuerait à saigner. Je les ignore. Mais au bout d’une heure, cela ne saigne plus et du coup, le dernier de mes soucis disparaît. Je pense au déroulement du sauvetage. Le puits ne posera pas de problèmes. Le méandre au contraire demandera de longues heures de désobstruction, plusieurs jours probablement, mais j’ai déjà une totale confiance en l’issue de l’opération car le méandre n’est pas long. De toute façon, ce n’est pas mon souci. Une seule idée m’occupe l’esprit, attendre l’équipe de secours avec laquelle il y aura sans doute un médecin. Il pourra soulager la douleur. Le froid commence son effet. L’inconfort dû au froid dépasse bientôt la douleur de mes blessures un peu anesthésiées, il est vrai, par la température. Je me mets à frissonner, le dos, la poitrine, les jambes et bientôt les bras et même le bras cassé qui s’agite en des soubresauts presque obscènes. Je sens mes os qui s’entrechoquent et l’impression est plus pénible psychologiquement que vraiment douloureuse. J’essaye de me décontracter les muscles. J’y arrive imparfaitement et les frissons reprennent encore plus violents. Par moments, tous les frissons sont en phase et leur amplitude devient impressionnante. J’ai l’impression de perdre toute mon énergie par cette perte de chaleur tout le long de mon dos au contact avec la roche glacée. Thierry me passe son rhovyl que je mets sur ma tête et l’attente se poursuit, interminable. Lui-même n’a pratiquement plus rien sur le dos ! J’essaye de somnoler, nous consultons régulièrement ma montre. Mes frissons sont ininterrompus ; aussi, Thierry me propose de se coucher sur moi en se tenant sur les bras pour ne pas m’écraser les côtes. Malgré mon scepticisme, l’effet est concluant. Cet apport de chaleur me fait du bien, même s’il ne stoppe pas complètement les frissons. Je constate que les accès de douleur sont toujours suivis de crises de frissons. »
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== Épilogue ==
 
== Épilogue ==

Version du 18 juin 2020 à 15:21

Dent de Crolles
11 juillet 1982
Année 1982
Date 11/07/1982
Massif Chartreuse
Département Isère
Nombre de Victimes 1
Durée Plus de 4 jours
Nombre de Sauveteurs 75

Le contexte

Le 11 juillet 1982, vers 12h00, Baudouin L., Olivier S., Marilyn M. et Thierry F. entrent dans la grotte du Jibé située dans les falaises de la Dent de Crolles. Ils ont pour objectif de retrouver le fort courant d'air qui disparaît dans le puits de 130 m. Le groupe explore les lucarnes de ce puits. C'est en pendulant pour atteindre l'une d'elles que Thierry F. décroche un groupe de blocs qui percute Baudouin. Il a mal au bras et à la hanche, il saigne. Olivier S., qui se trouve plus haut, sort donner l'alerte. Il est 16h00. Thierry F. rejoint Baudouin et l'aide à passer sur son descendeur. Il l'accompagne jusqu'à une vire située en contrebas qu'ils atteignent par un pendule. Là, ils attendent.

À 17h06, Albert OYHANÇABAL est informé de l'accident par la gendarmerie. Assez rapidement, France GUILLAUME se rend sur les lieux, accompagnée par un sauveteur de la CRS 47. Le SAMU 38 est avisé et les sauveteurs de la 3SI sont mis en alerte, tout comme les pompiers. À 20h30, l'équipe médicale arrive auprès du blessé. Pendant ce temps, une autre équipe effectue une reconnaissance pour évaluer les besoins, puis ressort à 0h15 le lundi 12 juillet.

France GUILLAUME diagnostique une fracture du pouce et une fracture ouverte de l'humérus. L'évacuation du blessé, qui s'effectuera en brancard, nécessitera d'élargir de nombreux passages. Une commande d'explosifs est donc passée sans délai auprès de la gendarmerie et à 2h00, 5 artificiers isérois sont requis. Le chantier d'élargissement de 2 méandres va prendre du temps. L'équipe médicale installe donc confortablement le blessé dans un duvet. Devant l'ampleur des travaux à mener, les artificiers de la Savoie et de l'Ardèche sont appelés en renfort.

À 11h00, la première équipe d'artificiers est engagée. Elle sort au bout de 10 heures. La 2ème entre sous terre à 17h40. À 18h20, la relève de l'équipe médicale assurée par Olivier KERGOMARD monte sur site. Elle arrive au contact de la victime vers 23h00 et France GUILLAUME sort à 23h27.

Le mardi 13 juillet, entre 0h20 et 0h30, les 3ème et 4ème équipes d'artificiers pénètrent dans la cavité. Devant les difficultés rencontrées par les équipes de désobstruction, il est décidé de faire appel au savoir-faire de Claude BOU, spéléologue tarnais qui fait référence en la matière. Ce dernier fait le voyage en avion et arrive sur site à 12h30. Pendant ce temps, la 5ème équipe d'artificiers entre en action. À 10h30, Michel BARTHE relève Olivier KERGOMARD. À 17h00 une équipe d'équipement du puits est engagée. À 22h30 c'est au tour de la 6ème équipe d'artificiers de reprendre le chantier d'élargissement. Durant cette journée, une grosse quantité de bois d’œuvre et de grillage est acheminée sur le plateau sommital de la Dent de Crolles, afin de construire sous terre une structure permettant de protéger la victime des projections dues aux nombreux tirs d'explosifs.

Le mercredi 14 juillet, à 0h20, le matériel de boisage ainsi que le grillage sont acheminés dans la cavité pour aménager une plateforme au-dessus du blessé. Cette structure permettra de la protéger des chutes de pierres. À 12h00, la 7ème équipe de désobstruction effectue les derniers tirs dans le méandre au sommet du puits. À 13h00 la nouvelle équipe médicale part pour préparer l'évacuation. Elle est accompagnée de sauveteurs qui vont appareiller le blessé.

À 18h20, la remontée de la victime commence. Elle est supervisée par Olivier KERGOMARD et France GUILLAUME. À 20h30 le blessé est au sommet du grand puits et commence alors l'évacuation dans le méandre élargi. Si la progression dans le premier méandre a été rapide, il n'en va pas de même dans le second, dont la victime sort à 1h40 le jeudi 15 juillet. Le brancard sort de la cavité à 4h45, il est immédiatement treuillé dans la falaise et arrive sur le plateau sommital de la Dent de Crolles à 5h40. Approximativement 1h plus tard, il part en hélicoptère vers l’hôpital de Grenoble.

À noter qu'André BONHOMME, sauveteur ardéchois, a eu la main fracturée par une chute de pierre dans un puits. Après avoir terminé sa mission, il est évacué vers l’hôpital de Grenoble.

Sauveteurs engagés

Sont notamment intervenus sur cette opération :

3SI
Marc ROSSETTI Yves PERRET Pierre GIANESE
Patrick DAVIN Olivier SCHULZ Thierry FERRAND
Guy BRABANT Pierre GARCIN Henri-Jacques SENTIS
Jean-Pierre POUCHOT Jean-Michel FRACHET Jean-Pierre VINCENT
Gilles LINGER Christophe GAUCHON Bernard PLAN
Michel BELLE Daniel PESENTI Serge CAILLAULT
Guy PROUIN Philippe ACKERMAN Jean-Jacques DELANNOY
Albert OYHANÇABAL Philippe MOIGNET Guy MASSON
Bruno TALOUR Philippe BONNEFOY Thierry BONNEFOY
Philippe CARBONNEL Luc LAFOND Jean-Luc GAMONET
Georges MARBACH Maurice CHIRON Bernard FAURE
Loys GOIRAND Patrick GARCIN Jacky SORET
Henri ROSSETTI
SSF 73
Yves GOURJU Pierre DUPORT Jean-Louis FANTOLI
René BLAD
SSF 07
Daniel POULNOT Michel ROUX André BONHOMME
SSF 81
Claude BOU
SAMU 38
Michel BARTHE France GUILLAUME Olivier KERGOMARD
CROIX ROUGE FRANÇAISE
Yves CHATAIN Henri CHATAIN Pierre DEGUEURCE
Michel RAIBON
BASE HÉLICOPTÈRE DU VERSOUD
Commandant AUBERT GRAVIOU LAMOUSSE
ROCCA ROUET
CRS 47
Commandant BARRERE Émile CHAILLAN Michel FOUAD
Marc GALMARD Alain HOCHEL Christian MERCIER
Guy QUER François TOMET
SDIS 38
BACHIMONT CLERE DIDIER
Philippe PORCHERON Joël LAMBERT PIRAUD
RENAUD Noël RUFFET BOISSIN
MONVOISIN SMOTER


Témoignage

Sur l'accident Baudouin LISMONDE écrit :

« Tout s’est passé très vite. Je n’ai pas eu peur et à peine mal, mais le choc a été formidable. Les bruits des pierres s’arrêtent. Mon corps est complètement désorganisé, il ne m’envoie aucun signal intelligible. Mais je ne suis pas mort. Je rassemble mes esprits. Il me semble que ma bonne étoile est avec moi et que je m’en tirerai avec seulement de gros hématomes par tout le corps. Je me dresse sur mes pédales et commence à examiner mon corps. Je tends mon bras gauche, il n’a rien. Je tends ma main droite et regarde l’endroit qu’elle devrait occuper : il n’y a que le vide. Le bras non plus n’est pas là ! Pendant une seconde, l’idée affreuse qu’ils ont été arrachés m’effleure. Un coup d’œil le long de mon corps me montre le bras qui pend complètement inerte. Je comprends aussitôt qu’il est cassé. Tristesse... Ma bonne étoile m’a abandonné aujourd’hui. Cela va se terminer par un sauvetage et toute sa difficulté m’apparaît aussitôt.

Thierry, au-dessus, s’inquiète et me demande si ça va. Je lui annonce avec une voix que j’aurais voulu plus ferme, mais où je sens un tremblement, que mon bras est cassé et qu’il faut prévenir les secours. Il transmet les nouvelles et les instructions à Olivier au sommet du puits. Je m’examine plus soigneusement. Je suis accroché à mes bloqueurs par le baudrier de poitrine dans une position bien inconfortable. En me redressant sur mes pédales, j’ai senti une forte douleur à la hanche droite qui m’empêche de continuer la remontée et je sens le sang qui commence à remplir doucement le gant de la main droite. Je me sens très faible et j’ai peur de perdre connaissance au milieu de ce puits dans une position aussi précaire. Je pense à la petite plateforme que j’ai vue il y a quelques instants à peine et ma décision est vite prise d’attendre les secours à cet endroit.

Je demande à Thierry de descendre aux bloqueurs sur la corde pour m’aider à mettre mon descendeur (manœuvre qui nécessite les deux mains). Il me rejoint bientôt. Je le mets au courant de mes intentions. Il est visiblement très ému et navré de cet accident et je me souviens de ses mots “Quand je pense que j’ai failli te tuer“. Il m’explique les circonstances de la chute des pierres, mais je n’ai qu’une idée : descendre le plus vite possible car la douleur commence à se préciser dans mon corps. Il installe mon descendeur. Je fais une clé dessus, me redresse et descends aux bloqueurs jusqu’à ce que le descendeur soit en tension. J’ai beaucoup de peine à effectuer les manœuvres, mais ne fais aucune faute. Je défais mes bloqueurs et me laisse descendre jusqu'au nœud où je m’arrête. Thierry me rejoint, met mon descendeur, mais le mousqueton se coince au-dessus du nœud et la manœuvre échoue. Je me sens de nouveau très faible et j’ai peur de perdre connaissance. Je me force néanmoins, monte sur mes bloqueurs et nous recommençons la manœuvre plus posément. Elle réussit, et je me laisse glisser sur la corde. L’idée me traverse l’esprit que la corde est peut-être endommagée et j’essaye de la contrôler au passage. Tout le long de la descente, les dégoulinades de sang sur la paroi me font une impression assez pénible (mon gant a dû déborder). J’arrive à la plateforme. Un premier pendule échoue, mais au 2e, j’arrive à prendre pied. En fait, ma hanche me fait tellement mal à présent que je ne peux rester debout et je me couche aussitôt sur le côté gauche en prenant soin de poser mon bras droit dans une position pas trop douloureuse.

Thierry me rejoint peu après. Il m’aide à m’installer sur cet emplacement très exigu. Deux parois limitent la place sur deux côtés, les deux autres débouchant sur le vide. Thierry me donne sa combinaison pour me la glisser sous le dos. Je n’ai qu’un rhovyl et ma combinaison, et ils sont humides de transpiration. Rapidement, j’ai froid. Je fais le compte de mes blessures maintenant que les signaux venant de mon corps sont intelligibles. Fracture ouverte du bras. Il me semble aussi fracture des côtes vu ma difficulté à respirer. Fêlure probable du bassin au niveau de la hanche droite. J’ai tout le dos douloureux, mais rien de grave de ce côté. Je bouge mes doigts de la main droite, il n’y a pas de perte de sensibilité. J’ai du mal à maîtriser les muscles de mon bras droit et quand je pivote sur le côté pour soulager mon dos endolori qui repose sur les cailloux, quelques mouvements de mon biceps droit réveillent une douleur intense. Par la suite, j’arriverai à tenir ces muscles totalement inactifs, même pendant les courtes phases d’endormissement. Thierry me raconte une nouvelle fois, les circonstances de la chute de pierre. Pour envoyer le caillou dans le puits parallèle, il a pendulé sur la corde qui était accrochée au-dessus. Au cours du pendule, la corde a touché la voûte du puits et a décroché les blocs dont un lui est même tombé sur le pied. L’accident a dû avoir lieu vers 15 h. Je calcule le temps qu’il faut à Olivier pour aller chercher les secours. Je pense que si l’hélicoptère est libre et peut monter avant la nuit, j’aurai quelqu’un à 23 h. Je n’ai plus qu’à patienter. Ce n’est pas mon bras qui me fait le plus mal mais mon diaphragme et mes côtes. Mais la douleur est supportable. Thierry me demande si je connais les points de compression au cas où mon bras continuerait à saigner. Je les ignore. Mais au bout d’une heure, cela ne saigne plus et du coup, le dernier de mes soucis disparaît. Je pense au déroulement du sauvetage. Le puits ne posera pas de problèmes. Le méandre au contraire demandera de longues heures de désobstruction, plusieurs jours probablement, mais j’ai déjà une totale confiance en l’issue de l’opération car le méandre n’est pas long. De toute façon, ce n’est pas mon souci. Une seule idée m’occupe l’esprit, attendre l’équipe de secours avec laquelle il y aura sans doute un médecin. Il pourra soulager la douleur. Le froid commence son effet. L’inconfort dû au froid dépasse bientôt la douleur de mes blessures un peu anesthésiées, il est vrai, par la température. Je me mets à frissonner, le dos, la poitrine, les jambes et bientôt les bras et même le bras cassé qui s’agite en des soubresauts presque obscènes. Je sens mes os qui s’entrechoquent et l’impression est plus pénible psychologiquement que vraiment douloureuse. J’essaye de me décontracter les muscles. J’y arrive imparfaitement et les frissons reprennent encore plus violents. Par moments, tous les frissons sont en phase et leur amplitude devient impressionnante. J’ai l’impression de perdre toute mon énergie par cette perte de chaleur tout le long de mon dos au contact avec la roche glacée. Thierry me passe son rhovyl que je mets sur ma tête et l’attente se poursuit, interminable. Lui-même n’a pratiquement plus rien sur le dos ! J’essaye de somnoler, nous consultons régulièrement ma montre. Mes frissons sont ininterrompus ; aussi, Thierry me propose de se coucher sur moi en se tenant sur les bras pour ne pas m’écraser les côtes. Malgré mon scepticisme, l’effet est concluant. Cet apport de chaleur me fait du bien, même s’il ne stoppe pas complètement les frissons. Je constate que les accès de douleur sont toujours suivis de crises de frissons. »


Épilogue

C'est la première fois que les explosifs sont utilisés avec une telle ampleur en Isère, en opération. C'est aussi la première fois qu'autant d'équipes d'artificiers se relayent. En fonction des effets désirés et du stock disponible, les artificiers ont utilisé du Symagel, de la gomme A, du Titagel et du cordeau détonant. 2 analyseurs de gaz Draeger ont été mis en œuvre durant toute la durée du chantier. Heureusement pour tous les intervenants et la victime, un fort courant d'air a évité que l'air soit vicié par les gaz de tir.

Le coût de l'intervention s'élève à 16 571 Francs.

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