2018-07-06 : Font Estramar

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Font Estramar
06 juillet 2018
Année 2018
Date 06/07/2018
Massif Corbières Maritimes
Département Pyrénées-Orientales
Nombre de Victimes 1
Durée Inconnue
Nombre de Sauveteurs Inconnu

Laurent MESTRE a été engagé lors de l'opération de récupération du corps d'un plongeur belge décédé à l'exsurgence de Font Estramar (66). C'est au cours du retour d'une mission de reconnaissance que Laurent R., sauveteur du SSF 19 trouve la mort. Le dispositif est alors levé. Quelques semaines plus tard, un plongeur étranger remonte le corps du belge qui se trouvait à -150 m sur un palier et le met à disposition du SSF et des gendarmes.

LAURENT MESTRE, plongeur isérois, a participé à cette opération. Il nous livre son témoignage.

« Ce samedi 7 Juillet 2018 , je suis à nouveau réquisitionné avec mes autres collègues plongeurs du SSF pour participer aux recherches d'un plongeur belge disparu sur le site de Font Estramar. La font Estramar, appelée aussi fontaine de Salses, est une exsurgence située sur le territoire de la commune de Salses-le-Château, au pied du massif des Corbières maritimes, dans les Pyrénées-Orientales. Elle alimente l'étang de Leucate. Avec 265 m de profondeur atteints par un plongeur, La font Estramar est la résurgence la plus profonde explorée en plongée en Europe, la 5e plus profonde dans le monde. La cavité développe presque 3 km de galerie connus à ce jour. De nombreuses tentatives ont lieu pour dépasser la côte actuelle.

Fin juin 2018, un plongeur Belge et son accompagnateur russe sont venus explorer cette résurgence, mais malheureusement le plongeur belge n'en ressortira pas vivant. Les deux plongeurs étaient équipés en circuit ouvert, en scaphandre dorsal. Ils disposaient de bouteilles relais. Chacun utilisait un scooter sous-marin pour faciliter leur déplacement. Ils avaient pour objectif de plonger dans le puits du grand Loukoum, sur une profondeur maximum de -150 m.

Ils avaient prévu, comme il est fréquent, de déposer des bouteilles de sécurité au niveau du parc à Zèbre, avant d'attaquer la plongée dans le puits du grand Loukoum. Une fois les bouteilles relais posées, les plongeurs se sont engagés dans la suite de l'exploration. Malheureusement les choses ne se sont pas passées comme convenu. Pendant la descente, le plongeur russe s'est rendu compte qu'il avait perdu tout contact visuel et physique de son équipier. Il a alors réalisé les premières recherches dans une profondeur supérieure à 100 m, où le temps lui était compté. En effet, en scaphandre ouvert le temps d'exposition à cette profondeur et le stress augmentent considérablement le temps de décompression.

Au bout d'un temps limité, il a dû se résoudre de suspendre les recherches sur cette zone et à commencer à faire demi-tour vers la sortie, de façon à réaliser sa décompression en toute sécurité. Il voulait aussi déclencher l'alerte dans les plus brefs délais. Sur le chemin du retour, il a pu constater que le plongeur belge n'avait pas récupéré ses bouteilles relais au parc à Zèbre. L'absence de ces dernières au relais aurait pu lui indiquer un éventuel retour de celui-ci.

Une fois sa décompression terminée, il est sorti de la vasque d'entrée et retourné au véhicule, pour déclencher l'alerte. S'agissant d'une opération de récupération d'un corps, le Procureur de la République est alors seul compétent. Les réquisitions judiciaires du Spéléo Secours Français vont suivre avec pour objectif la récupération du corps, la constatation de la présence du matériel de plongée situé au parc à Zèbre et réalisation d'une première reconnaissance jusqu'à - 150 m. L'opération est prévue du dimanche 8 Juillet au jeudi 12 Juillet.

La gestion générale est réalisée par un Conseiller Technique National (CTN) du SSF et des Techniciens Référents Secours Plongée (TRSP) sur la spécificité de l'intervention en plongée. L'objectif du premier jour était de mettre en place une cloche de décompression dans le puits de sortie juste avant la vasque par deux plongeurs. En parallèle, deux autres plongeurs, dont Laurent R., avaient pour mission de réaliser les premières recherches sur le parcours, par la galerie Nord, boulevard, galerie sans nom et galerie du silence jusqu'au parc à Zèbre. Ils devaient constater la présence des bouteilles relais du plongeur disparu et les récupérer.

Cette plongée devait permettre d'écarter une première hypothèse : le plongeur a pu se perdre dans cette partie et ne pas avoir vu ou pu récupérer à son retour les bouteilles de sécurité. Les sauveteurs devaient aussi poursuivre les recherches sur le chemin du retour par la galerie Sud. Pendant le retour par la galerie Sud, Laurent a perdu connaissance et a présenté des symptômes de pression partielle d'oxygène (PPO2) élevée avec son recycleur. Son équipier a procédé alors à une assistance immédiate, en tentant de lui mettre en bouche un détendeur d'une de ses bouteilles relais adapté à la bonne profondeur. Malgré plusieurs tentatives, son intervention est restée sans résultat. La bouche de Laurent était tétanisée en position fermée.

Le choix immédiat de son équipier a été de procéder à l'extraction de Laurent sur les dernières centaines de mètres les séparant de la cloche de décompression. Un message est alors transmis au plongeur de soutien chargé de collecter les informations. Le sur-accident de Laurent est constaté lors de son arrivée à la cloche de décompression. Le CTN et les TRSP sont informés immédiatement de l'accident par un message écrit sur une ardoise et ils transmettent en retour la consigne d'évacuer Laurent. Les gendarmes présents sur le site nous demandent alors d'interrompre l'évacuation. Un officier de la gendarmerie finit par nous autoriser à sortir Laurent laissé au fond de la vasque. Par la suite, par les gendarmes plongeurs arrivées sur les lieux qui procèdent aux premières constatations. L’opération de récupération du corps du plongeur belge est alors suspendue.

À ce stade, nous n'avons aucun retour sur les causes du décès de Laurent, et du plongeur belge. En 20 ans de sauvetage, je viens de vivre pour la deuxième fois un dramatique accident concernant des sauveteurs plongeurs engagés sur une mission de sauvetage : Nicolas M., au Bief Goudard sur la commune de Villard sur Bienne dans le Jura en juillet 1998.

Il est trop tôt pour tirer les premières conclusions sans le retour des autopsies. Malgré la compétence et l’expérience de chacun, il ne faut jamais oublier la grande complexité de ce type d'intervention. »