1984 : Gour Fumant

De Archives 3SI
Sauter à la navigation Sauter à la recherche
Gour Fumant
Courant 1984
Année 1984
Date Inconnue
Massif Vercors
Département Drôme
Nombre de Victimes 1
Durée Moins de 12h
Nombre de Sauveteurs Inconnu

Ce secours n'est connu que par des témoignages, dont celui de Bernard OYHANCABAL reproduit ci-dessous.

« Comme d'accoutumée, l'exercice annuel départemental s'inscrit dans une optique de développement tant individuel que collectif. Et la grand-messe a lieu, à notre mythique Gour Fumant. Une partie théorique et d'entrainement en falaise a eut lieu la veille. Nous logions aux Dollys, à Méaudre, dans le gîte de Guy Brabant, où bonne chair relevait le fumet des cours.

Le thème est simplissime : remonter et sortir une victime de la rivière du Gour. Accidentée aux environs de -120, une prise en charge médicale légère (N.D.A.: à l'époque, la précision n'existait quasiment pas, les connaissances, matériels et techniques médicales ayant évolué à une vitesse folle depuis); nous remontions et évacuions le blessé. Le faux-gour fut choisi comme sortie, le vrai gour étant trop terreux en cette fin d'hiver.

Une logistique différente se met en place à l'arrivée sur les lieux. Le faux -gour est encore englacé. Pour ne pas perdre de temps, l'équipement de progression part du vrai gour, passe par le puits, pour déboucher directement dans l'actif. La boite aux lettres, ainsi que le faux-gour sécurisé, serviront de zone d'exercice. Tout était en place, les ateliers se positionnaient tranquillement, posant çà et là quelques nouveaux spits au milieu de placards d'anciennes chevilles. Jean-Paul Barrière avait pris la tête d'un atelier et expliquait, commentait, puis critiquait l'équipement réalisé. Michel Fauque, CTN, était présent avec un petit jeune de son club, dont le nom m'échappe. Ils visitaient les premiers ateliers, pour poursuivre la descente.

Quelques instants plus tard, l'atelier du bas des puits entendit une série de cris de douleur. L'accompagnant de Michel Fauque venait de chuter entre blocs et avait très mal au genou ! Un vrai secours au sein d'un exercice ! Un comble !

Immédiatement, France, qui s'affairait dans un des ateliers, est prévenue et se porte jusqu'à la victime. Elle fait un bilan qui semble confirmer un besoin d'évacuation sur civière. Une estafette remonte presser la venue du matériel. « Bill »/François Bocquet, aidé d'une autre figure des FJS, prennent la 4L fourgonnette, et foncent au gite récupérer la civière. Eh oui, la chronologie n'est plus respectée...

Ils remontent comme des brutes sur cette minuscule route de Chalimont, passent à travers la prairie d'Herbouilly, en slalomant entre les névés fondants. Puis, ils plongent littéralement dans le trou, muni de tout le matériel. Les autres équipes, quant à elles, n'ont pas attendu, et ont mis en place les différentes poulies-freins le long du trajet. Tout est en place en peu de temps. Parvenus à la victime avec leur précieux chargement, ils donnent un coup de main à France pour conditionner le blessé.

France : « Bon je vais conditionner ta guibole. Bill, passe-moi ton opinel, pour couper la combinaison. »

Et c'est là qu'on entendit un autre grand cri : « non, non, pas ma combin! J'suis pas blessé, c'est des conneries ! C'est Michel qui m'a dit de le faire ! »

Michel : « Ben... Voui, c'était pour mettre la pression sur tout le monde ; qu'ils soient en situation. On le fait partout dans tous les autres départements... »

Une autre voix : « Et tu t'es pas posé la question qu'ici, on sort plus de blessés que partout ailleurs ? que de tous les sauveteurs que tu as, ils ont tous fait déjà plusieurs secours ? Et que s'ils sont là, c'est parce qu'ils sont motivés... ? T'es pas cool. »

Dans les puits la nouvelle se propage : c'est pas vrai. « Eh ben... J'en connais un qui va payer l'apéro ce soir... »

Peu de désorganisation malgré tout, et une implantation plus rapide du dispositif... Bref, nous finirons plus tôt l'exercice...

A la sortie du coupable de la blague, Albert OYHANÇABAL lui fait croire que la Préfecture est prévenue et que l’hélicoptère arrive. Juste vengeance, blague pour blague...

Le vrai brancardage débute dans la rivière. D'une progression rapide, les difficultés s'enchainent, et, facilement, les premières verticales sont en vue. En quelques efforts, la civière est hissée hors de la zone active. La victime ayant froid, on la débride pour qu'elle bouge et se réchauffe. Et l'exercice reprend, pour parvenir vers le bas de la boite aux lettres. C'est alors qu'on entend l'un des porteurs de la civière, à demi-accroupi, appeler de l’aide : « ch'uis bloqué, aidez-moi vite ! ».

Ce grand barbu, plié en deux, ne peut plus se relever, sous les yeux du médecin. Là, ce n'est plus un exercice, mais un vrai secours. Personne ne s'est questionné un seul instant pour savoir si cette fois, c'était une nouvelle scène de la Commedia dell'arte. Nous conditionnons ce beau gabarit, et entamons l'évacuation sur le champ. Face au risque de chute de glaçons dans le faux-gour, décision est prise de sortir par le vrai. Changement d'équipement, et hop, la progression continue.

À l'extérieur, le doux soleil printanier chauffe les os de quelques privilégiés, rejoints par une colonie de vacances, une classe complète... L'ambiance devient rapidement chahuteuse autour de la cavité. Et au moment de l'arrivée de la civière, force est de constater l'impossibilité de communiquer entre tous, tant les enfants font du bruit. On essaye de leur dire. Peine perdue. Et une beuglante s'ensuit, réduisant à néant les velléités de pagaille des plus hardis. Le moniteur met peu de temps pour comprendre que la prairie est vaste ; et qu'une excursion au sein de cette plaine serait des plus heureuse...

Enfin, nous pouvons continuer les manœuvres de cordes, et faire sentir à notre malheureux, la nuée bienfaisante de cet astre solaire. Le temps de déséquiper, et de quitter cet endroit, le soleil passe vite. L'ombre se fait vivifiante, le gel reprend. En se retournant depuis le centre de la prairie, nous apercevons les premiers brouillards jaillissant du Gour. Ce soir encore, il portera bien son nom.

Au retour au gite ; inutile de préciser l'ambiance survoltée qui y règne. Michel n'avait pas de boules Quiès, il s'en est fortement voulu. L'apéro fut de tradition, les souvenirs et commentaires fusèrent jusque tard dans la nuit.

Michel, si tu lis ces quelques lignes sans aucune rancœur, sache que l'on a passé un bon moment. Et que le Gour fume toujours autant... »