1980-02-16 : Trou qui Souffle

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Trou qui Souffle
16 février 1980
Année 1980
Date 16/02/1980
Massif Vercors
Département Isère
Nombre de Victimes 1
Durée 12-24h
Nombre de Sauveteurs 40

Le contexte

Le 16 février 1980, une équipe composée de Didier F., Bernard Q. et Alexandre D., du club de Fontaine, s'engage dans le trou qui Souffle pour aller faire une exploration dans la galerie François. Constatant que le réseau est en crue, le groupe décide de faire demi-tour et d'en profiter pour examiner toutes les galeries connexes.

C'est au cours d'une escalade que Bernard Q. chute et tombe sur un sol inégal. Il a très mal à la cuisse. Après l'avoir dégagé, ses compagnons le mettent à l'abri d'une cascade et le conditionnent sous des couvertures de survie. Didier F. monte donner l'alerte, pendant que Alexandre D. réconforte la victime.

Albert OYHANCABAL est avisé à 16H05. Le plan de secours est déclenché à 16h20. Une équipe du SAMU 38 est engagée, composée d’un ambulancier et d’une infirmière. En effet les médecins spéléologues n’étaient pas disponibles. Albert OYHANCABAL arrive sur les lieux à 19h00. Il fait regrouper les effectifs dans la salle hors sac de la station de Méaudre et 3 équipes mixtes sont composées.

À 20h20, l'équipe médicale est auprès du blessé. Les équipes de sauveteurs s'engagent dans la cavité. Le blessé sort le 17 février à 7h10. L'opération prend fin à 7h45.

Le blessé est admis à l’hôpital sans délais. Une fracture du fémur et du petit orteil sont diagnostiquées, ainsi qu'un traumatisme crânien.

Sauveteurs engagés

Sont intervenus sur cette opération :

3SI
Gilbert BOHEC Eric BOYER Guy BRABANT Lucien CHABERT
Richard CHAUSSON Jean-Jacques DELANNOY Emmanuel FOUARD Jean-Pierre VINCENT
Pierre GARCIN Serge GRASSI José ITURZAETA Avedis JANGOTCHIAN
LANDRY Lionel LAVEAU Patrick LAVEAU Pascale LAVIGNE
Baudouin LISMONDE Georges MARBACH Philippe MOIGNET Albert OYHANCABAL
Yves PERRET Bernard PIART Jean-Pierre POUCHOT TENTORINI
TOURETTA Henri ROSSETTI Marc ROSSETTI
CRS 47
BENOIT-LIZON CARRY GREN
LOIGEROT POUECH SIGNETTI
SDIS 38
BRUNEL CLERE Guy DIENNET
MERCIER SORET
SAMU 38
Christine BOURLON REYNAUD

Témoignage

François LANDRY nous livre son témoignage :

Les diapositives passaient l'une après l'autre devant nos yeux, et l'unanimité des spéléos présents écartait ou validait le cliché projeté sur grand écran. Si la photographie était sélectionnée celle-ci viendrait illustrer le tome 3 de l'inventaire du Vercors. Une personne vint interrompre notre travail et s'adressa directement à Baudouin : "un appel téléphonique pour vous". Baudouin quitta la salle puis il revint quelque minutes plus tard : "secours spéléo au TQS un gars s'ai cassé la jambe. Bon il faut y aller". D'un seul du coup d'un seul la salle se vide, le matériel est rangé et me voici avec Emmanuel mon hôte en préparatif pour le secours.

C'est la première fois que je vais participer à un secours et de plus dans le Vercors. Ma pratique en matière de secours se limite aux différents entrainements au sein de mon club d'après le manuel équipier chef d'équipe. Le département de l'Aube d'où je viens n'ayant pas encore la structure spéléo secours nécessaire, ce sont les clubs qui forment leurs adhérents aux techniques secours et dans mon club j'en suis le principal formateur.

Présenté par Emmanuel, l'accueil d'un certain "Bébert" fut très pragmatique mais courtois. Il nous intégrera dans une équipe sans distinction, mais pour l'heure il nous invite à dormir dans la salle hors sac avant le départ pour notre mission. Je ne trouve pas le sommeil et je révise dans ma tête, la mise en place du frein poulie, le palan, la sécurité etc., etc. !!!. Certainement l'angoisse de ne pas être à la hauteur.

Enfin c'est le top départ, notre équipe prendra en charge la victime du sommet du P30 au puits d'entrée. Pour l'heure mise en place du palan au sommet du P30 puis d'une tyrolienne au dessus du méandre, brancardage et transfert pour prise en charge par la dernière équipe jusqu'à la sortie. Rapidement équipé, je donne la main à la préparation du matériel. Et du matos il en faut !!! bon la corde pour le palan du P30 viendra du bas. Allez en route ou plutôt en dameuse jusqu'à l'entrée du trou c'est super, mais l'ambiance est froide. L'entrée dans la cavité est pour moi un grand choc, un courant d'air glacial saisit le spéléo qui s'engouffre. Je reste concentré sur le job. Me voici maintenant au sommet de la tête de puits et avec mes coéquipiers nous installons le premier frein bloqueur. Nous allons chercher plusieurs points (à l'époque nous ne parlons pas encore de répartiteur). Dans la bataille évidemment quelques mousquetons et poulie passent en bas !!!

Puis nous installons la tyrolienne, et je fais part au chef d'équipe (qu'il me pardonne je n'ai pas noté son nom) que les sauveteurs ne sont pas assurés pour la manœuvre. Et nous voici à plusieurs marteau et spiter en main (pas de perceuse) à planter des spits pour garantir la sécurité de nos compagnons et d'installer les mains courantes de vie. Notre travail est fait et nous sommes certains d'avoir fait le job pour la victime et nos compagnons sauveteurs.

Au sommet du puits une longue attente nous permet de griller quelques cigarettes dans le courant d'air du TQS. Le temps passe et passe encore, j'ai l'impression que c'est interminable tant j'ai envie de me trouver confronté à l'action d'extraire notre compère spéléo aux entrailles de ce gouffre. Là dans les volutes de fumée, je suis fier de participer à cet élan de solidarité. Ne sommes-nous pas passés de spectateurs de diapositives à Spéléo Sauveteurs sur un simple coup de fil !!! En bas nous entendons les premiers cliquetis caractéristiques qui nous indiquent que nos compères approchent. La corde se tend et quelques minutes plus tard apparait un spéléo qui nous indique très clairement que nous ne sortirons pas la civière si nous n'installons pas une reprise. Oups !!! Bon ya plus qu'à. Rapidement la reprise est en place mais pour l'heure nous attendons désespérément la corde qui doit alimenter notre palan. Après moult incompréhensions, enfin nous hissons notre collègue dans sa civière. La reprise fonctionne à merveille, ainsi que celle de la tyro. Et là grande enguelade !!! Nous avons repris la civière pied en avant, et çà c'est impardonnable. Nous voici heureusement bien sécurisé par les mains courantes installées tantôt, à présenter notre ami en civière dans le bon sens : celui de la vie.

Au bout de celle-ci, je suis devant avec un spéléo avec qui j'ai partagé tant de choses pendant ce secours que nous avons l'impression de nous connaitre depuis fort longtemps. Nous guidons la civière dans le méandre étroit, quand soudain un actif rive droite traverse le méandre et se déverse dans celui-ci. Nous stoppons la progression de la civière. Il est impossible de faire subir à notre ami entravé les affres de la douleur de l'eau glaciale qui ne manquera pas de l'arroser copieusement. Aussi spontanément les 2 pilotes que nous sommes se positionnent dos à la cascade et retiennent l'actif le temps nécessaire pour le passage de notre ami et des secouristes qui l'entourent. Fin pour nous deux à l'instant de notre participation active à l'évacuation de notre ami.

Transis de froid nous sommes maintenant dans le courant d'air attendant notre tour pour sortir du trou. Des premiers nous sommes devenus les derniers. Et je deviens le dernier à sortir du trou à m'extirper de ce courant d'air glacial. Là Bébert est présent et très rapidement analyse ma situation. Complètement gelé incapable de réagir, il se rend compte de mon état et va m'arracher mes gants, m'évitant des gelures à venir. Puis il m'accompagnera sur la route en me parlant tout du long car les dameuses sont rentrées et ne sont plus là pour nous. De retour à la salle hors sac, mes affaires se trouvent dans un coin en vrac et j'ai bien du mal à prendre le temps nécessaire pour m'habiller et me réchauffer.

De retour sur Grenoble, chez mon ami Emmanuel, je vais m'effondrer de sommeil. Puis je dois rentrer avec Régine et mes enfants à Troyes, et j'aurai 24h de retard sur mon travail.


François LANDRY Novembre 2023 d'après mes notes du mardi 19 février 1980

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