1956-09-02 : Grotte de Gournier

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Grotte de Gournier
02 septembre 1956
Année 1956
Date 02/09/1956
Massif Vercors
Département Isère
Nombre de Victimes 2
Durée 12-24h
Nombre de Sauveteurs Inconnu

Le contexte

2 spéléologues du sud de la France : Paul C. (20 ans) et Michel C. (17 ans) sont bloqués par une crue. Ils devaient visiter la grotte de Bournillon mais se sont rabattus sur la grotte de Gournier à cause de la pluie. À l'époque, Gournier avait la réputation d'être plus sûre par mauvais temps...

L'attente

Après avoir fait demi-tour au Balcon, ils se rendent compte que la galerie est occupée par des lacs absents à l'aller. Après plusieurs péripéties dans l'eau et donc trempés, ils décident d'attendre, blottis l'un contre l'autre. Il a fallu 20 heures pour que la décrue commence. Une fois le niveau descendu d'un mètre, ils reprennent leur progression vers la sortie et entendent les sauveteurs qui arrivent.

Témoignage

Le récit de Paul C. publié dans Chroniques souterraines, Ed. Abymes, (2003)[1] est partiellement reproduit ci-dessous avec l'autorisation de l'auteur.

« La situation n'était pas brillante : nous étions complètement trempés et commencions à claquer des dents. Notre visite ne devant durer qu'une dizaine d'heures au maximum, nous n'avions pris qu'un léger casse-croûte englouti à la Salle à Manger. Nous avions encore une autonomie de carbure de sept ou huit heures chacun. Au niveau de l'eau, je mettais un repère pour voir l'évolution du lac.

Nous éteignions une lampe et mettions la seconde en économie pour la faire durer le plus longtemps possible. Il ne nous restait plus qu'à attendre avec patience : combien de temps : dix heures, vingt heures, quarante-huit heures ? Et si la pluie continuait à tomber à verse pendant des jours ? C'était peu probable début septembre, mais quand on est coincé comme un rat, on pense à toutes les possibilités. Il faisait de plus en plus froid, nous grelottions et claquions de plus en plus des dents. Loin des principes et des préjugés, je proposais à C. de s'asseoir sur mes genoux et nous nous enlacions, bien serrés l'un contre l'autre. Ce n'était pas terrible, mais nous avions quand même moins froid. Tous les quarts d'heure nous changions, c'est moi qui m'asseyais sur lui. À chaque changement, j'allais voir notre repère. Durant les premières heures, le niveau monta encore d'une vingtaine de centimètres. C'était inquiétant ! Puis, il se stabilisa, ouf ! Il fallut attendre une éternité, peut-être vingt heures pour que le niveau commence à baisser, d'abord tout doucement, puis de plus en plus vite. Au bout de vingt-quatre heures, l'eau était descendue d'un mètre. Je décidais que nous devions reprendre notre marche vers la sortie. Avec un mètre en moins, ça passait mieux.

Nous avions avancé de deux ou trois cent mètres, lorsque nous entendions des appels : les sauveteurs ! Mais il ne fallait pas perdre la face, il fallait leur montrer que nous dominions la situation. La joie était des deux côtés : de notre côté, car l'arrivée des sauveteurs nous laissait entrevoir une sortie proche et du côté des sauveteurs, car ils nous retrouvaient vivants et valides. Aussi, ce ne furent que des explications et des plaisanteries, mais aucun reproche acerbe comme je le craignais. Je goûtais à la fraternité des gens unis par la même passion.

Les sauveteurs étaient les membres du fameux club Spéléo Grenoblois du Club Alpin Français (SGCAF) de Grenoble qui venait d'explorer le grand gouffre Berger, le premier -1000 de l'histoire de la spéléologie. Il y avait là, Jo BERGER, Georges GARBY, Éclaireur de France comme moi, et d'autres dont j'ai oublié le nom. Ils avaient été alertés par le cultivateur qui nous avait déconseillé d'explorer Gournier. La pluie redoublant de violence, il était allé voir à la grotte et avait retrouvé notre canot emporté par la crue, quelques centaines de mètres plus bas.

Quand les sauveteurs étaient arrivés, la galerie au-dessus du lac vomissait une cascade énorme qu'il était impossible de franchir. Ils durent attendre une dizaine d'heures avant que la baisse du débit leur permette de remonter la cascade. Ils nous avaient retrouvés à peu de distance, 300 ou 400 mètres de l'entrée. Nous pensions donc que nous aurions pu ressortir seuls. Mais non, car deux cent mètres après avoir fait la jonction avec les sauveteurs, je vis avec effarement que le plafond de la galerie plongeait dans l'eau, la galerie siphonnait ! En fait, nous ne savions pas qu'un boyau sur le côté permettait de court-circuiter ce passage délicat. Si les sauveteurs n'étaient pas venus, nous aurions certainement encore attendu un long moment.

Nous ne tardions pas à sortir, il y avait foule : journalistes, gendarmes, curieux. Après les explications et la déposition aux gendarmes, on nous apporta à manger. Après plus de vingt-quatre heures à grelotter et à serrer les mâchoires, j'avais trop mal aux dents, impossible de manger le sandwich qu'on m'avait tendu. Par contre quelqu'un nous avait apporté un demi-litre de rhum, il fut « torché » comme du petit lait en quelques minutes. Aussitôt arrivés dans la vallée, C. et moi envoyions une carte postale à nos parents, sans faire allusion à notre mésaventure et en leur disant que tout allait bien. Or en fait, nos parents apprirent notre sauvetage par les journaux, il n'y avait pas encore cette néfaste télévision à l'affût de tous les scoops ! Heureusement que les PTT marchaient bien, car ils reçurent notre carte peu après la lecture du journal, au moment où ils s'apprêtaient à venir en Vercors. »

Épilogue

Jo BERGER et Georges GARBY figuraient donc parmi les sauveteurs.

Fernand PETZL n'a laissé aucune comptabilité de ce secours. Nous ne pouvons donc déterminer, même approximativement, le nombre de sauveteurs.

Documents

Notes et références

Références

  1. Paul COURBON - Chroniques souterraines, Ed. Abymes, (2003)