2011-02-05 : Scialet des Chuats

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Scialet des Chuats
05 février 2011
Année 2011
Date 05/02/2011
Massif Vercors
Département Drôme
Nombre de Victimes 1
Durée 12-24h
Nombre de Sauveteurs Au moins 12

Le samedi 5 février, vers 1h00 du matin, un spéléologue drômois est victime d'une chute de pierre alors qu'il remontait un puits de 55 mètres situé vers la côte -200. Victime d'un grave traumatisme crânien et d'un écrasement de la main, il reste inconscient sur la corde. Les autres membres du groupe sont soit encore au fond de la cavité, soit déjà ressortis. Ces derniers, gendarmes du PGHM de l'Isère, s'inquiètent de ne pas le voir sortir et donnent l'alerte, vers 4h00.

Le dispositif mis en place par les Conseillers Techniques Drômois comprend des spéléologues isérois déjà sur place : 2 civils et 2 gendarmes. D'autres membres du PGHM (6) ainsi qu'un CRS, sont appelés en renfort. Compte tenu du bilan des premiers secouristes en contact avec la victime, le CT demande l'intervention d'une équipe médicale iséroise.

France ROCOURT, médecin au CHU et Conseiller Technique Adjoint dans l'Isère, ainsi qu'un infirmier de la 3SI sont acheminés sur place par l'hélicoptère de la Sécurité Civile. Une fois la prise en charge médicale opérée, l'évacuation commence. Elle prend fin vers 21h30.

Sauveteurs engagés

Sont intervenus sur cette opération :

3SI
Barnabé FOURGOUS Thierry GUERIN
Thierry LARRIBE François de FELIX
PGHM
Stéphane LAOUT Florent MERLET
William GALIEGUE Gérard ESPITALLIER
Pierre DURAND
SAMU38
France ROCOURT
Laurent HYVERT
CRS ALPES
Lionel CHATAIN

Témoignage de Laurent HYVERT

« Samedi matin, appel du SAMU pour signaler un secours au scialet des Chuats dans le Vercors drômois. Notion de blessé grave et demande d’un infirmier pour compléter l’équipe médicale pilotée par France Rocourt. RDV au SAMU 38 pour compléter la dotation médicale spéléo et partir aux Chuats. Bon c’est un samedi, madame part en WE dans le Vercors en stage de Judo et c’est moi qui garde les enfants. J’ai la chance d’avoir des amis ouverts et des enfants compréhensifs, alors cela facilite l’organisation et me voici parti pour le CHU de Grenoble.

En Route, J’appelle notre CT Thierry pour l’informer que je suis engagé sur ce secours. Il m’informe des particularités du site et me dit de prendre soin de moi et me souhaite bonne chance. Trop de temps plus tard, j’arrive au SAMU 38 – Fort Knox local : tout est fermé, il faut trouver une place pour se garer et essayer de rentrer dans la forteresse. Heureusement je connais des ambulanciers qui m’ouvrent les portes.

France me briefe, on charge le matos et on roule vers la DZ. Joli vol en bonne compagnie sur le Vercors ensoleillé et sans neige cet hiver-là. La beauté soutien un stress nécessaire et suffisant. Dépose à 100 mètres du trou, dans un autre contexte, cela pourrait être un luxe agréable.

Premier puits et nous voilà dans la salle. Bonne surprise, depuis peu un grand puits s’ouvre sous une zone de blocs qui shunte un long méandre. Il aurait représenté un défi avec une civière et un blessé dans le contexte annoncé. En passant entre les blocs « sécurisés » par des étais en branches d’arbre, je me dis que les copains vont devoir faire un boulot détonnant et chirurgical pour mettre au gabarit de la civière tout en stabilisant la zone.

P15, P73 fractionné et nous voici dans la salle des sapins d’argile un peu plus loin, un spéléo équipe déjà pour la suite des opérations. Encore un puits et premier contact avec l’accident : un peu avant le fond, je remarque des traces rouges sur le rocher... Ambiance !

Quelques mètres plus loin, Thomas est allongé, conscient. Ça y est on est dans le vif du sujet et dans la réalité clinique. Au boulot ! C’est un golgoth Tomas et c’est bien comme ça. Il a été victime d’une chute de pierres et malgré un bon coup sur le casque et sur une main alors qu’il remontait ce puits, il a pu redescendre et se mettre à l’abri. Il était seul à ce moment-là. Ses amis, spéléos aguerris et secouristes hors pairs l’on rejoint plus tard avec toute la logistique salvatrice pour attendre la suite des opérations dans les moins mauvaises conditions.

La prise en charge s’organise autour de notre cheffe d’orchestre - France. L’équipe est constituée de France ROCOURT, de secouristes professionnels – PGHM et CRS Alpes et de l’infirmier grottologue qui narre ce récit. Il s’agissait pour moi d’un premier secours réel en tant qu’infirmier. Le job était multifacettes : technique, communication avec l’environnement, logistique et soutien du dispositif (thé avec ou sans sucre ?).

Après plusieurs heures de prise en charge, l’évacuation débute avec une halte en bas du grand puits, dans un point chaud. En remontant ce puits qui semblait avoir triplé de hauteur – la concentration et le stress, ça vide pas mal les batteries – je croise des têtes connues de spéléos bienveillants et ça fait sacrément du bien. Précédant la civière pour l’accueillir en haut des verticales, les copains posent des questions sur l’état de Thomas. Les réponses seront aussi rassurantes que possibles mais aussi réservées que nécessaire.

Plus haut, le job aura été à la hauteur du défi : la zone de blocs est maintenant sécurisé par des étais de maçon et la civière passe au cm près. Du boulot d’orfèvre – Chapeau les drômois ! Un réassort de matériel médical qui avait été demandé attendait dans la salle d’entrée. Thomas arrivant dans cette salle, il fut temps de demander l’hélico pour la prochaine étape. Le vol fut spectaculaire, retour de nuit et plongée sur Grenoble illuminée.

L’arrivée au CHU de Grenoble fut cocasse. Il faut imaginer un spéléo sur une civière dans un état « grottologique » accompagnée par :

  • un trio spéléo en sous combi, bottes et pour certains une frontale en guise de collier,
  • un ambulancier tout propre – manœuvrant un brancard – qui essayait de le rester.

Toute cette équipe était dévisagée par les visiteurs et le personnel des urgences, bondées un samedi soir. Une halte au PU et on migre vers le déchoquage. Une scène à faire gasper une infirmière hygiéniste.

Comme dans toute opération d’ampleur nécessitant la collaboration de multiples partenaires, des problématiques sont apparues et ont été traitées lors d’une séance de débriefing. Je souhaite souligner certains facteurs qui pour moi ont favorisés une issue positive de cette aventure :

  • L’amitié et la camaraderie ;
  • La confiance et l’optimisme raisonné des participants ;
  • L’expérience, la jeunesse et la condition physique de Thomas ;
  • La compétence et l’engagement des acteurs ;
  • La créativité ;
  • L’esprit et l’organisation du Spéléo Secours ;
  • ...

Plus tard, Thomas participera à une formation d’étudiantes en soins infirmiers dans le cadre d’un module « urgences ». Un étudiant au sujet de ce secours, demandait si j’avais eu du plaisir à vivre cette expérience. Plaisir ? Pour sûr non, mais après coup une grande satisfaction professionnelle et une certaine fierté personnelle d’avoir pu rendre service et aider à cette opération au mieux de mes compétences. »