2012-09-21 : Gouffre Motus

De Archives 3SI
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Gouffre Motus
21 septembre 2012
Année 2012
Date 21/09/2012
Massif Chartreuse
Département Isère
Nombre de Victimes 1
Durée Plus de 4 jours
Nombre de Sauveteurs 112

Le contexte

Le 21 septembre, un groupe de trois spéléologues composé de Thierry V., Vincent F. et Charles B., commence à élargir la galerie du fond du gouffre Motus, à 180 mètres de profondeur. Le premier, spéléologue chevronné, se trouve dans le fond de la galerie quand il est pris sous un éboulement. Deux gros blocs rocheux pesant approximativement deux tonnes, ont soudainement glissé, sans raison apparente, il est 16h15. Ses deux compagnons essaient en vain de le dégager. L'un d'eux reste à ses côtés, pendant que l'autre sort donner l'alerte.

Le spéléologue qui est sorti vers 18h15 appelle un membre de son club, qui prévient à son tour Laurent MINELLI. Ce dernier diffuse l'alerte aux autres Conseillers Techniques et au CODIS 38. Dès la prise d'alerte, le témoignage de l'appelant et les circonstances de l'accident laisse présager du décès de Thierry V.. Le plan de secours spéléologique est déclenché à 19h15 par le Directeur de Cabinet du Préfet de l'Isère.

Première phase : le 21 septembre

Dès le départ, compte tenu du risque de chutes de pierres, il est prévu d'engager le moins de monde possible. Un officier de police judiciaire doit se joindre à la première équipe. Des artificiers sont mis en pré-alerte. Un fournisseur en produits explosifs est contacté, pour une disponibilité dans la soirée, le cas échéant. Un médecin et un infirmier du SAMU 38 se préparent à partir. Il est convenu que si la victime est décédée, le Directeur de Cabinet prononcera l'arrêt du plan de secours et se sera alors au Procureur de la République de se prononcer sur la suite à donner. Cela permettra à tous les intervenants de réfléchir à tête reposée aux options pour la remontée du corps.

Deux équipes sont rapidement formées pour s'engager au plus vite. La première a pour mission le contact avec Thierry V. et le spéléologue qui est resté à ses côtés. La deuxième doit prendre en charge ce dernier pour le faire sortir, établir des liaisons radio avec le système Nicola et effectuer les constatations judiciaires. L'effectif engagé sous terre dans un premier temps est de six spéléologues, comprenant des sauveteurs du PGHM, du SDIS 38 et de la 3SI.

Dès que le décès de Thierry V. est constaté, il est demandé à tous les sauveteurs de remonter à la surface. La dernière équipe sort à 01h35. Cette décision a été prise pour laisser le temps d'évaluer les risques de nouveaux éboulements et l'ampleur du chantier de désobstruction. M. RAMPON, Directeur de Cabinet du Préfet, présent sur place, a exercé les fonctions de Directeur des Opérations de Secours.

Le poste de commandement (PC) est installé sur le parking de la maison forestière de Génieux. Le SDIS 38 fait monter des véhicules PC et logistique, ainsi que du personnel qui assure des missions sous terre, les communications, les navettes vers l'entrée de la cavité et le commandement de l'opération. La gendarmerie gère l'accès au site et des membres du Groupe Spéléo de la Gendarmerie Nationale (GSGN) sont engagés sous terre pour l'aspect judiciaire. D'autres militaires sont en réserve pour effectuer des missions dans la cavité, tout comme les policiers de la CRS Alpes. La 3SI a mobilisé ses effectifs pour assurer des missions sous terre, la gestion des intervenants et certains de ses sauveteurs étaient prêts à être engagés. Trois Conseillers Techniques du Préfet étaient présents sur site (François DE FELIX, Lionel REVIL et Thierry LARRIBE) et deux à leur domicile (François LANDRY et Laurent MINELLI), assuraient l'interface avec les équipes en pré-alerte.

Au PC, les téléphones mobiles ne peuvent ni émettre, ni recevoir d'appel. La gendarmerie arrive à joindre le CORG et à faire passer des communications par ce biais. Le SDIS 38 met à disposition de l'opération 2 téléphones satellitaires qui, malgré de nombreuses tentatives d'appels infructueuses, s’avérèrent bien utiles par la suite. L'ADRASEC 38 établit les liaisons avec l'entrée de la cavité. Le système Nicola a bien fonctionné entre la surface et le fond, permettant de gagner du temps sur la remontée d'information, alors que la géologie n'était pas favorable.

Les personnes connaissant bien Thierry V. nous ont immédiatement signalé que les parents de ce dernier étaient âgés et malades. Il est alors paru préférable d'informer Pascal V., frère de Thierry. Pascal étant spéléologue dans le département des Alpes Maritimes, les Conseillers Techniques isérois ont contacté leurs homologues du sud de la France. C'est par ce biais que le téléphone mobile de l'intéressé a été obtenu. Dans un premier temps, le CTDS lui a dit que Thierry V. avait eu un accident grave puis, dès que le compte-rendu de l'équipe de pointe est parvenu à la surface, le décès lui a été annoncé. Il s'est chargé de prévenir ses parents. Le fait que Pascal V. soit spéléologue a nettement facilité le dialogue et la compréhension de la situation (sortie du corps différée).

Ce sont 62 personnes qui ont été mobilisées sur site pour l'opération.

Sur site Dont sous terre En réserve
SDIS38 25 3
Gendarmerie Nationale 6
PGHM 5 2
CRS Alpes 6
Préfecture 2
3SI 16 1 8
ADRASEC38 4

Deuxième phase : la désobstruction de la cavité

Dès le samedi 22 au soir, il apparaît que laisser le corps de Thierry V. au fond du MOTUS n'est pas une option acceptable au sein de la communauté spéléologique. Le dimanche 23, le Président de la 3SI, François DE FELIX, prend contact avec le Procureur de la République et le Directeur de Cabinet du Préfet. Il en ressort que les spéléologues vont devoir prendre à leur charge l'entière responsabilité de l'opération pour restituer le corps de Thierry à sa famille d'une part, et d'autre part que ces mêmes autorités seront très attentives à ce que les moyens de l'État ne soient pas engagés dans cette action. Ce même dimanche, les présidents du Comité Départemental de Spéléologie (CDS 38) et de la 3SI se mettent d'accord : la 3SI prend en charge la responsabilité de l'opération, le CDS 38 prend en charge son coût, en attendant de voir si l'assurance de Thierry V. couvre les frais.

Ce même jour, 4 sauveteurs (2 CRS et 2 PGHM) ont l'autorisation de la Préfecture d'aller au fond de la cavité pour tenter de dégager le corps de Thierry du gros bloc et de le conditionner dans un linceul. Au retour de cette mission effectuée avec succès, ces sauveteurs feront un inventaire précis des difficultés que les bénévoles devront affronter.

Lundi 24 septembre, la 3SI prend contact avec la MAIF. Elle s'assure que l'opération de désobstruction envisagée sera prise en charge par son contrat d'assurance et surtout que les conditions particulières de ce contrat, négociées en 1998 seront bien applicables. L'opération pourra donc avoir lieu. Les spéléologues intervenants seront couverts par leur assurance s'ils sont assurés par la FFS, les autres seront couverts par l'assurance MAIF de la 3SI. Une fois ces points acquis, le responsable « désobstruction » de la 3SI remplit les formalités pour l'achat des matières explosives nécessaires à ce chantier. Ces produits sont disponibles le lendemain matin. Dans le même temps, les responsables de la 3SI lancent un appel à « bonne volonté » par email à destination de tous ses membres. En 2 heures, 70 spéléos sont volontaires pour participer au chantier. Ce nombre augmentera pour finir à 110 volontaires. Parmi eux, un nombre important de sauveteurs professionnels solidaires des spéléologues sont venus sur leur temps libre, conformément aux directives de la Préfecture.

Mardi 25 septembre 2012, le chantier ouvre et les premiers bénévoles montent le matériel, installent le PC au bord du trou et commencent les travaux d'élargissement de la cavité sous les ordres du responsable désobstruction de la 3SI. Ce dernier distribue les explosifs et précise le protocole qui devra être appliqué par toutes les équipes. Chaque équipe comporte au moins un titulaire du CPT (Certificat de Préposé au Tir). En l'absence de Thierry LARRIBE, ce sont les CTDSA François DE FELIX, Lionel REVIL, France ROCOURT et François LANDRY qui gèrent cette opération. Thierry LARRIBE, de retour de vacances, supervisera la fin du chantier à partir du 30 septembre.

Il est décidé dès le départ de tenter de préserver le corps de Thierry et donc de le sortir sur une civière. Cela implique une désobstruction un peu plus importante, mais aussi une manœuvre finale de sortie du corps un peu plus facile et moins traumatisante psychologiquement pour les sauveteurs. Chaque jour, trois équipes se relaient pour élargir les passages étroits, purger des blocs jugés trop dangereux, équiper les ateliers de progression et de secours en vue de la remontée de la civière. Les gaz générés par les tirs d'explosifs nécessitent la mise en place d'une ventilation artificielle. Une ligne électrique 220V est descendue sous terre pour augmenter l'autonomie des équipes qui doivent percer de nombreux trous. Des détecteurs de gaz sont confiés aux équipes pour éviter toute intoxication, principalement au monoxyde de carbone produit par les explosifs. Ils permettront d'évacuer la cavité quelques heures, un jour où le nombre de tirs a été trop important face aux capacités de ventilation. Les bénévoles ont alors attendu à l'extérieur un retour à la normale.

Aucun accident n'a, fort heureusement, été à déplorer. Seul incident : un bénévole a reçu un éclat de roche dans l’œil alors qu'il travaillait avec une massette. L'éclat a endommagé très sommairement sa cornée, un examen médical aux urgences ophtalmologiques du CHU le lendemain a permis de s'assurer qu'aucune suite ne serait à craindre. Ce sauveteur sera de retour sous terre pour l'évacuation le mercredi 3 octobre.

Ce chantier aura duré 8 jours, du mardi 25 septembre au mardi 2 octobre, tard dans la nuit. Il a nécessité les personnels suivants :

Jour Nb de bénévoles Dont sous terre Kms parcourus Temps passé
Mardi 25 14 10 748 126 heures
Mercredi 26 16 9 1135 141 heures
Jeudi 27 18 13 1109 154 heures
Vendredi 28 34 25 1781 289 heures
Samedi 29 31 20 1186 231 heures
Dimanche 30 35 23 1930
Lundi 1er 8 4 1145
Mardi 2 15 9 789 155 heures

150 trous ont été forés dans la roche. 106 détonateurs, 100 mètres de cordeau détonant et 10 renforçateurs ont été nécessaires pour mettre les galeries au gabarit. Les 9 983 kms parcourus par les sauveteurs avec leur véhicule personnel, représentent un abandon de frais de 3 034€. e coût estimé en kilomètres et vacations aux tarifs SDIS est de 15 536€.

Les frais engagés par la 3SI pour remplacer le matériel détérioré et pour couvrir le coût des consommables (explosifs et carburants pour les groupes électrogènes) est de 4 000 €.

Les communications entre le milieu souterrain et le PC de surface ont été réalisées via le système Nicola. Deux postes étaient en place sous terre et un au PC. La qualité des communications était parfaite. Ces liaisons ont consommé une quantité importante de batteries Nicola. Le secteur de la Charmette étant privé de tout réseau GSM, la 3SI a dû mettre en place une liaison radio entre le PC (à côté de l'entrée du Motus) et la base arrière à Grenoble. Cette liaison a été possible grâce au réseau Sécurité Dauphiné. Son président, Joël VEYRET, a proposé une licence gratuite à la 3SI, non seulement pour la durée de cette opération, mais aussi pour les besoins futurs du spéléo secours.

Troisième phase : La remontée du corps

Sauveteurs engagés

Sont intervenus sur cette opération :

Témoignage

Témoignage de François DE FELIX

Témoignage de Thierry LARRIBE

Épilogue