1966-07-02 : Gouffre Berger
Année | 1966 |
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Date | 02/07/1966 |
Massif | Vercors |
Département | Isère |
Nombre de Victimes | 1 |
Durée | 12h |
Nombre de Sauveteurs | 24 |
Sommaire
Le contexte
Alors qu'elle descend le puits Garby dans le gouffre Berger, Jacqueline B. lâche le brin de corde aval et chute. Elle tente de freiner en se cramponnant à 2 mains sur le brin amont, il est alors 11 h. Albert O. est en train d'équiper le puits Gontard avec Jean B., quand il entend le bruit d'une chute dans le puits précédent. Ils font demi-tour et retrouvent le reste de l'équipe médusée autour de Jacqueline B. qui se trouve au sol après une chute de 22 m.
Afin d'éviter un sur-accident et les courants d'air, ils déplacent la blessée qui vient de reprendre connaissance, en utilisant la méthode de la cuillère qu'Albert leur apprend en urgence. Bien lui en a pris car Jacqueline a 2 vertèbres cassées. Après l'avoir sécurisée et rendu l'endroit plus confortable, notamment en obstruant le méandre avec un canot gonflé, il remonte donner l'alerte en traînant un spéléologue littéralement tétanisé. Il trouve un téléphone à la Croix Perrin et appelle les valentinois. Il est 16h00.
Les équipes iséroises et drômoises, renforcées par un médecin ardéchois, arrivent rapidement sur place. Elles sont engagées entre 20h00 et 21h00. Le médecin ardéchois arrive auprès de la blessée vers 21 h, soit 10 heures après l'accident. La victime est conditionnée dans le brancard conçu par Fernand PETZL. Le brancard est treuillé dans les puits. Il progresse lentement dans le méandre, halé par des cordes mouflées et accrochées au vérin à diaclase.
Les gendarmes du GSHM prennent en charge la victime avec un treuil à partir du bas du puits du Cairn. Jacqueline B. sort de la cavité le 3 juillet à 5h45, elle est admise à l'hôpital de Grenoble. L'évacuation a duré 12h00.
Pour l'anecdote, en revenant d'avoir donné l'alerte, Albert découvre un spéléologue totalement effondré au bord du gouffre. Revenu en surface chercher des vêtements chauds pour Jacqueline, il a fait une chute de 25 m consécutive à une erreur technique. Heureusement sa couse a été stoppée par un nœud avant le fond du puits Ruiz.
Témoignage
Albert OYHANCABAL nous livre son souvenir de ce secours[1] :
« Alors que je suis en train d'équiper le puits Gontard avec mon camarade J. Bonnet, j'entends un bruit de chute violente dans le puits Garby. Au début, je pensais à un gros sac tombant mais cela ne collait pas, et le grand silence qui s'est brusquement installé non plus. Je fais donc rapidement demi-tour et, dans le méandre, je trouve les autres membres de cette sortie au Berger tétanisés, en état de choc. C'est en effet Jacqueline Bocquet qui vient de faire une chute de 22 mètres dans le Garby. Tout le monde est persuadé qu'elle est morte. Les dépassant, je m'approche, seul, auprès d'elle, inconsciente, emmêlée dans l'échelle et la corde de rappel.
Deux à trois minutes s'écoulent ; elle ouvre les yeux et commence à me parler. Me tournant vers le groupe tapi au début du méandre, je rassure tout le monde. Après quelques questions sur son état telles que :
- Sans bouger les jambes, peux-tu remuer légèrement ton pied gauche, puis le droit ?
- Pas de problème, la moelle épinière n'est pas atteinte.
Réponse :
- Merci, tu me rassures, mais j'ai mal au dos.
Mais pour la déplacer et la mettre un peu à l'abri, il me faut apprendre à quatre équipiers du groupe la technique du ramassage à la cuillère. Nous pouvons ainsi la dégager de l'échelle et de la corde et l'écarter de la verticale du trajet de montée du puits. L'ayant couverte plus ou moins avec des pulls, nous gonflons un canot à l'entrée du méandre pour la soustraire du courant d'air. Je donne alors les consignes d'usage ; pas de boisson, juste humecter les lèvres ; chauffer de l'eau et transformer la gamelle en bouillotte. Faire un pont protecteur humain au-dessus d'elle à chaque mouvement de montée ou descente dans le puits. Et j'entreprends la remontée, afin de transmettre l'alerte, remorquant derrière moi un équipier qui a perdu tout contrôle de lui-même. Au sommet du puits du Ruiz, une poulie me permet de tracter ce dernier transformé en sac à patates. Une fois dehors, je laisse mon matériel sur place en file vers la Molière et la Croix Perrin d'où, par téléphone, j'alerte les responsables du Groupe Spéléologique Va¬lentinois. La SSSI n'existe pas encore...
Je reviens seul vers le Gouffre et constate que mon matériel personnel a été déplacé. Puis, je découvre Jean-Marc Lebras assis sur une banquette rocheuse, la tête entre les bras, vraisemblablement affecté. Ce dernier me raconte alors son aventure : Arrivant en retard pour nous rejoindre, il découvre mon maté¬riel personnel au bord du gouffre et comprend de suite que quelque chose de grave est arrivé. Il a alors un sain reflexe et prend une doudoune dans un sac, s'équipe de mon matériel et commence la descente pour apporter la doudoune à la victime. Mais il ne remarque pas la poulie en tête de puits au Ruiz et, en se mettant sur le brin libre de la corde, il fait une chute libre dans le puits. Chute heureusement stop¬pée nette par la corde qui a fait un nœud d'elle-même de l'autre côté de la poulie. En remontant à l'échelle et en comptant les barreaux, il a pu mesurer l'ampleur de sa chute : 25 mètres ! Un sur-accident qui a bien failli être dramatique.
Mais revenons à Jacqueline. La malheureuse a fait sa chute vers 11 heures. Le médecin, venu d'Ardèche, sera à ses côtés vers 21 heures. Nous installons alors Jacqueline sur la civière Petzl, civière conçue par Fernand, articulée et munie d'un casque intégré. C'est une civière très rigide et qui permet de maintenir la victime avec la tête en hyper-extension. Pendant la mise en civière, le GGHM (Groupement de Gendarmerie de Haute Montagne, ancêtre du PGHM) est arrivé en renforts. Peu habitués aux conditions souterraines, ils s'occupèrent du treuillage depuis le sommet du premier puits. Jacqueline, sur sa civière, est sortie du gouffre au petit matin et a très vite été prise en charge par l'Alouette en direction de l'hôpital de Grenoble.
Au vu des radios, les médecins ont eu beaucoup de mal à croire que Jacqueline a été évacuée de -120 avec ses deux vertèbres pulvérisées et aucune atteinte à la moelle épinière. C'est bien sûr grâce à la civière Petzl. »
Sauveteurs engagés
Sont intervenus notamment :
Isère | ||||
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Fernand PETZL | Robert GIRARD | François THIERRY | Jean-Pierre LUGIEZ | Jackie GLAUDA |
Drôme | ||||
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R. GUERIN | GUERIN | JC LEBRAT | Jean-Jacques GARNIER | André SERRANO |
Albert OYHANCABAL | G. FOISSOTTE | Claude POMMIER | Alain DUSSAULT | G. VIOSSAT |
Jean BONNET | Jean-Yves HERVE |
Ardèche |
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Docteur G. POINCIGNON |
Les gendarmes du GSHM | ||
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AUGEREAU | MARTIN | ROMUSAT |
HERVE | VEYRON | PORTRA |
Documents
Il est à noter que le compte-rendu signé par Fernand PETZL, est établi à l'entête du Spéléo Secours Rhône-Alpes.
Articles de presse
Notes et références
Références
- ↑ Le témoignage d'Albert OYHANCABAL paru dans Spéléo Secours Isère 1970-2010 : 40 ans de secours souterrain – Comité Départemental de Spéléologie de l'Isère, (2010)
Sources
- Les comptes-rendus de Claude POMMIER et de Fernand PETZL.
- Les archives de François THIERRY.
- Les articles du Dauphiné Libéré des 3 et 4 juillet 1966.