1973-08-03 : Chorum de la Fille
Année | 1973 |
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Date | 03/08/1973 |
Massif | Dévoluy |
Département | Hautes-Alpes |
Nombre de Victimes | 1 |
Durée | 12-24h |
Nombre de Sauveteurs | 50 |
Le contexte
Olivier D., 19 ans, spéléologue parisien, membre du spéléo club de la Tarentule, entre dans le Chorum de la Fille le vendredi 3 août, dans le but de déséquiper les puits du fond. Il est accompagné de François P., 19 ans, membre du même club.
Alors qu'il retire le matériel d'un puits, à -270 m, Olivier D. chute de 35 mètres consécutivement à la rupture de l'anneau sur lequel il a fixé son descendeur sur son baudrier. Immédiatement, François P. se porte à son secours. Puis, se rendant compte qu'il ne peut rien faire tout seul, il remonte donner l'alerte au poste de gendarmerie de la station de Super Dévoluy. Il est 20h15.
Les spéléologues locaux sont mobilisés, tout comme ceux des départements limitrophes. Fernand PETZL mobilise des sauveteurs isérois et les stagiaires moniteurs du stage organisé par l'École Française de Spéléologie de Font d'Urle (EFS). Ceux des Alpes-de-Haute-Provence sont aussi appelés en renfort. Fernand PETZL, « responsable de SOS Spéléo » comme le surnomme le Dauphiné Libéré, se rend sur place, rejoint bientôt par Bernard HOF, responsable du Secours Spéléo en Provence-Côte d'Azur et directeur du stage de l'EFS. Ce dernier dirige l'opération.
Gérard CARDIN, médecin généraliste de Corps (38), est rapidement transporté sur les lieux. Ce dernier n'est pas spéléologue, on lui a dit que la victime ne se trouve pas très loin. Il descend sans éclairage, aidé des spéléologues. Il reste près de 24 heures sous terre, dont 4 heures seul, éclairé par des bougies ! N'étant jamais allé sous terre auparavant, il garde un souvenir ému de sa première sortie souterraine.
Après élargissement de certains passages, le blessé sort attaché à une planche, le samedi 4 août à 17h30, soit 24 heures après sa chute. Le médecin sort 5 heures plus tard.
Le blessé est transporté en hélicoptère au CHU de Grenoble, où sont diagnostiquées une fracture du bassin, du fémur et de la jambe.
Sauveteurs engagés
L'opération a mobilisé une cinquantaine de sauveteurs. La 3SI a fourni l'assurance des sauveteurs, du matériel et des chauffeurs.
Fernand PETZL a assuré la coordination en arrière base et la gestion de la partie administrative du secours.
Sont notamment intervenus sur cette opération :
École Française de Spéléologie | |||
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Jean MAHIEU | Pierre RIAS | Patrick PENEZ | Roland PELISSIER |
Jean-Louis PUYO | Alain BOUCHARD | François ROUZAUD | Jean-Pierre DIRAN |
Serge AVIOTTE | Jean-Claude HEINRICH | Bernard HOF | Jean-Claude REMINIAC |
Isère | |||
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Jean-Louis ROCOURT | Albert OYHANCABAL | 1 gendarme | 1 pompier |
Épilogue
Suite à cette opération, Fernand PETZL demande le remboursement du matériel perdu ou détérioré à la Fédération Française de Spéléologie (FFS), qui assurait le blessé. Dans sa réponse du 16 août 1973, Daniel DAIROU, responsable de la commission assurance de la FFS, s'étonne du montant réclamé à l'assureur au titre du matériel. Il soupçonne les sauveteurs de prendre la FFS pour « une vache à lait ».
Dans son courrier du 1er septembre 1973, Bernard HOF s'indigne du comportement de certains, qui ont dû récupérer le matériel perdu lors de l'opération. Dans sa lettre du 12 septembre, Gilbert ARTHAUD, Conseiller Technique des Hautes-Alpes, évalue le coût du secours à plus de 5 000 Francs et abonde dans le sens de Bernard HOF et de Daniel DAIROU.
Finalement, le 28 novembre, le coût total de l'opération est établi par la FFS à 8 253,01 Francs.
À cette même date, Daniel DAIROU écrit au blessé pour s'étonner d'avoir reçu de sa part une facture de matériel perdu lors de l'opération et s'élevant à 430 Francs. Il s'indigne du fait que le blessé ne remercie pas les sauveteurs pour leur efficacité.
Témoignage
Jean-Claude REMINIAC nous livre son témoignage :
« Arrivée tardive sur les lieux, au moment de la sortie des sauveteurs éreintés et du blessé. J'étais accompagné de B un autre membre de l' EFS de Font d'Urle avec qui j'étais en activité d'exploration au moment de l'alerte et qui avait démontré une excellente technicité verticale et une solidité tranquille : B. Nous nous sommes dirigés vers les sauveteurs que je connaissais, pour des infos sur la situation. P. qui sortait parmi les derniers m'a déclaré sans ambage : - Le toubib est encore au fond ! Il faut aller le chercher.
J'interroge :
- Avec qui ? Il ya des gars avec lui ? .
Réponse :
- Non ! Il est seul, on ne pouvait pas le remonter en même temps que le blessé grave, c'était trop compliqué , il ne connaît rien à la spéléo . On est trop crevés pour redescendre , il faut que vous alliez le chercher . On lui a laissé une réserve d'éclairage pour plusieurs heures et on a installé le matériel sur la corde fixe et ses baudriers en lui expliquant le mode d'emploi pour l'ascension . Il a aussi une corde d' assurage déjà installée en haut du puits pour aider et sécuriser sa remontée..
J'étais époustouflé par la situation et le courage de ce médecin. Fi de palabres et d'étonnement il fallait vite descendre le rassurer.
Avec B nous avons dévalé la cavité toujours équipée, jusqu'au bord du puits de l'accident au bas duquel patientait le médecin particulièrement content de répondre à nos appels . Après un échange rendu difficile par les 30 mètres de verticale qui nous séparait, il s'avérait qu'il ne voulait pas que je descende, qu'il avait tout compris de la manœuvre, qu'il était prêt à démarrer, répondant oui à chacune des questions brèves mais précises que je lui posais sur son équipement, et me priait instamment de le laissait monter. Finalement j'acquiesçais, confiant dans les explications compétentes données par mes collègues sauveteurs, dissipant une ombre de crainte.
Le signal du départ fut donné et le médecin entreprit l'ascension qui se déroula pour le mieux sur vingt cinq mètres. Puis le rythme se mit à ralentir jusqu'à l'arrêt total. Il était épuisé, ne répondait plus aux questions et émettait un gémissement inquiétant quand nous augmentions la traction d'aide sur la corde d'assurage. Je décidais d'aller voir.
B mettait un bonne dizaine de mètres du mou de l'assurage en corde fixe, avec un nœud d'arrêt sécuritaire à son extrémité libre, pour que je descende auprès du médecin. A sa hauteur je constatais que sa corde d'assurage glissait dans un mousqueton fixé au baudrier mais que son extrémité était nouée autour du buste par un nœud de chaise simple comme les montagnards d'antan. Ainsi les tractions de levage avec son assurage lui coupaient le souffle.
J'ai installé mes bloqueurs, puis par un pendule me suis solidarisé avec le médecin avec ma longe sur son baudrier , l'entraînant ensuite de mon côté pour échapper à un dévers de la paroi qui créait un frottement. B a alors donné du mou à l'assurage du médecin pour que je puisse faire un nœud en huit que j'ai fixé sur son baudrier avec un mousqueton à vis libérant l'attache au torse. J'ai rejoint rapidement B qui avait déjà installé un poulie-bloqueur et ensemble nous avons extrait le docteur du puits. Nous avons pris le temps de sa récupération émotionnelle et physique avant de poursuivre notre retour vers la surface qui fut tranquille, presque ordinaire après cet épisode.
Je m'en suis voulu longtemps de n'avoir pas fait la descente de vérification de son équipement. Une paresse, une faiblesse ou la crainte de blesser la volonté fière et confiante d'un sacré médecin dans son engagement un peu fou ?
Je remercie B pour son compagnonnage, sa compétence, et son efficacité dans cet épisode. Son nom est inscrit dans les recueils de la vie de l'ESF de l'été 73. Un élément : Il n'était pas issu d 'un club Rhône Alpin ; Jura peut-être ? J'aimerais le saluer encore aujourd'hui.
JC REMINIAC LE 17 AOÛT 2022