1996-07-11 : Gouffre Berger

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Gouffre Berger
11 juillet 1996
Année 1996
Date 11/07/1996
Massif Vercors
Département Isère
Nombre de Victimes 6
Durée Plus de 4 jours
Nombre de Sauveteurs 299

Le contexte

Le 1er groupe

William S. (G.B.), Nicola D. (G.B.) et Käroly T.(H.) entrent dans le gouffre Berger samedi 6 juillet 1996 entre 13 et 14 heures. Ils arrivent au camp 1 (-500) vers 19h00-19h30 où ils passent la nuit après un repas. Ils repartent dimanche 7 juillet vers 9h30 avec comme objectif le fond et remonter. La descente se fait sans difficultés. Arrivés en haut du puits de l'Ouragan (-975), Nicola, fatiguée, reste en haut du puits. William et Käroly descendent et s'arrêtent au camp des Étrangers à -1075 où ils font demi-tour et entreprennent la remontée, il est environ 16h30.

Käroly remonte en tête, suivi de Nicola et William. L'équipe croise les Hongrois de la deuxième équipe, en train de descendre, vers la Vire-Tu-Oses (-950). À ce moment-là, William prend la tête du groupe suivi de Nicola et Käroly. La progression ne devait guère être rapide, Nicola étant fatiguée. Ils ont vue sur l'actif (rivière) au bas du Grand Canyon et ne remarquent pas de hausse de débit particulière. La progression continue.

Attaque de la Cascade des Topographes par William. Arrivé en haut, Nicola monte suivi de Käroly. William remarque que la corde était très près du niveau de l'eau dans la cascade. Il s'arrête au dernier amarrage pour attendre Nicola. Après dix minutes d'attente, et constatant une augmentation du débit, il angoisse en ne voyant pas les deux autres arriver. Puis il entend un cri de Käroly. William revient sur ses pas, aperçoit Nicola bloquée à la rupture de pente Toboggan-Cascade qui lui dit « j'ai un problème ». Constatant sa difficulté de progression, il lui conseille de s'aider en mettant son bloqueur sur la corde de la main courante.

Malgré cette précaution, elle n'avance plus. L'eau montant alors très vite, William crie à Nicola de vite redescendre. Le temps d'entreprendre sa descente, l'eau est à la hauteur de sa poitrine. La forte poussée exercée alors, l'empêche de débloquer sa poignée. William fait alors demi-tour et a lui-même de grandes difficultés pour s'extraire du flot. En se retournant, il ne voit plus sa camarade. Par deux fois, l'eau montant, il doit se réfugier plus haut sur des épaulements rocheux. Ceci se passe entre 21h30 et 22h00.

Käroly, de son côté, essaie de l'aider en coupant la corde de la main courante, mais peine perdue. Nicola est entièrement recouverte par l'eau. Il la voit glisser. Lui-même doit vite se dégager et redescendre se mettre à l'abri un peu plus bas. L'accident se produit vers -730 environ, dans la cascade des Topographes.

Le 2ème groupe

Il est composé de Zsolt M., Miklos N. et Istvan T., tous trois Hongrois. Ils entrent dans le gouffre samedi 6 juillet 1996 entre 19h00 et 19h30. Ils arrivent au camp 1 (-500) vers minuit, où eux aussi vont dormir après un repas. Ils partent le dimanche 7 juillet vers 13h30. Objectif : le fond et déséquipement.

Ils descendent sans difficulté et croisent la 1ère équipe vers la Vire-Tu-Oses. Arrivée à -1075, au camp des Étrangers, constatant l'important débit de la cascade en rive droite (Rivière -1000) barrant la galerie, et l'un d'eux n'étant pas équipé de combinaison néoprène, ils font demi-tour et remontent en déséquipant. Le passage de la « Baignoire » n'étant pas encore amorcé, ils arrivent au bas de la grande cascade de 27 mètres. Istvan est en tête suivi de Miklos et Zsolt. Pour eux, le débit d'eau au pied de cette cascade n'est pas jugé encore trop alarmant.

L’équipe arrive en haut de la cascade de 27 mètres. Zsolt, qui est le plus aguerri, prend la tête du groupe. Il entreprend en vain la remontée de l'obstacle suivant appelé le ressaut du Singe, haut de 10 mètres. Trop d'eau. Il décide de redescendre. Istvan commence alors sa descente et se fait piéger.

Miklos, voyant le danger, se longe rapidement sur l'amarrage intermédiaire. Son camarade Zsolt le rejoint et se longe également sur le même amarrage. Ils sont tous deux accrochés à la main courante lorsqu'ils voient monter l'eau d'environ 1,50 mètre. Istvan est hors de vue, caché sous la cascade.

Ils restent ainsi accrochés par leurs baudriers et la pédale de bloqueur environ 30 heures à la cote -915. L'eau ayant baissé, ils s'installent sur un bombement pour ensuite attendre encore environ 15 heures. Zsolt essaie de remonter mais échoue, il y a encore trop d'eau. Après une nouvelle attente de 5 heures, ils peuvent enfin installer une corde de secours et descendre la cascade de 27 mètres. Ils aperçoivent au passage leur camarade Istvan, mort sur la corde, sous la cascade, et ils se mettent à l'abri un peu plus bas dans une zone pas très confortable, où les secours les trouveront très affaiblis, en hypothermie.

L'opération de sauvetage racontée par Albert OYHANÇABAL

Lundi 8 juillet

« Dès le lundi 8 juillet 1996 à 20h45, Paul MACKRILL, spéléologue anglais, sauveteur SSSI, chercheur au synchrotron et habitant Lans-en-Vercors, me signale la présence dans le Gouffre Berger d'un groupe d'Anglais et Hongrois, faisant partie de l'expédition du « Oxford University Cave Club », club ayant une autorisation d'explorations du 1er au 10 juillet 1996. Ce groupe est formé d'une première équipe de trois personnes : un Anglais, une Anglaise et un Hongrois et d'une deuxième équipe de trois Hongrois. Objectif du groupe : le fond du gouffre à -1122 mètres et remontée en déséquipant, le bas devant être déséquipé par l'équipe hongroise. Sortie prévue en matinée ce jour (8 juillet).

Ce même jour, une équipe de cinq Anglais s'est engagée au matin dans le réseau pour aller aux nouvelles. Un peu inquiets compte-tenu des très fortes précipitations se déversant sans discontinuer sur zone entre le dimanche 7 juillet 16h00 et lundi 8 en fin de matinée. J'ai vérifié : il est tombé non pas, comme prévu par la météo, 80mm, mais 240mm.

Cette équipe est revenue au gîte à Autrans vers 20h00, indiquant les plus grandes difficultés de progression dans les premiers puits très arrosés, et l'impossibilité de dépasser la cote -250. Un véritable torrent déferlant dans la Grande Galerie (rivière de la Boue).

Après un point sur les effectifs anglais disponibles, je demande aux autres de se reposer pour être sûrement engagés le lendemain. Consignes données à tous : envoi dès demain matin mardi 9 juillet, d'une équipe de reconnaissance et soutien (avec nourriture, carbure, duvets) de quatre hommes. En prévoir une autre suivant peu après, surtout ne rien tenter avant, le réseau est encore en charge. Je fais part au chef d'expédition que la SSSI les prend sous la couverture assurance de spéléologue secours et sont placés sous l'autorité du CT et des CTA. »

Mardi 9 juillet

« La journée commence par la prise de la météo du jour. Le bulletin indique : « pas de précipitations significatives, vent de Nord, tendance à l'amélioration ». Dès 7h00, j'appelle au gîte pour donner les consignes, réveil et gros repas. Vers 11h30, la première équipe de reconnaissance entre dans le gouffre avec à sa tête Paul MACKRILL.

Après avoir transmis les informations dont je disposais à la Préfecture, j'appelle le CODIS pour leur communiquer ces informations tout en leur demandant de ne pas inscrire cela dans la main courante pour éviter la presse. Ensuite débutent les pré-alertes des effectifs SSSI. Luc SAUVAJON, CTA, se rend au CODIS pour réguler tous les appels.

Vers 14h00, je me rends au gîte « Le Château » à Autrans et questionne plus en détail les spéléologues anglais, Graham NAYLOR traduisant, notamment sur le « timing » des « attardés ». Il s'agit donc d'un groupe de six, entrés dans le gouffre samedi 6 juillet en début après-midi. Après une nuit passée au camp 1 cote -500, la première équipe devait entamer la descente vers le fond vers 11h le dimanche 7 juillet. La seconde vers 12-13h. Première arrivée prévue au fond vers 15h00. La seconde arrivée prévue au fond vers 18h00.

Ce dimanche sur le secteur, les précipitations ont commencé à 16h00 allant crescendo. Ce qui veut dire, connaissant bien les colères de ce gouffre, le lapiaz de surface sans rétention possible de l'eau qui s'engouffre aussitôt, la verticalité du réseau, que ces six spéléologues vont se faire surprendre en remontant par une onde de crue, dans les parties les plus dangereuses. Une fois engagés dans cette zone, il n'y a pas d'échappatoire.

La première équipe de reconnaissance ressort vers 22h20. Personne au camp 1 à -500, vérifications jusqu'aux Couffinades cote -640 : Personne. Demi-tour et sortie, sauf Paul MACKRILL et Tony WHITE qui continuent avec un complément de matériel. Les eaux sont hautes.

A 23h30, Paul MACKRILL rend compte par téléphone de la situation : Lui et son co-équipier sont ressortis, les Couffinades passent tout juste, la rivière est très grosse, les cordes sont sous l'eau, certaines sont détériorées. Ils ont été contraints de faire demi-tour. L'équipe 2 reste sous duvet au camp 1. Elle retournera voir le niveau d'eau vers 6h00 mercredi 10 juillet et poursuivra la progression. Il faut dès à présent prévoir de quoi réchauffer individuellement les attardés. »

Mercredi 10 juillet

« À 5h55, j'informe Graham NAYLOR, étant sans nouvelles, que je passe comme prévu en phase d'alerte. Le plan de secours est alors déclenché. Je demande les moyens appropriés pour monter un PC à la Molière. Par téléphone, je demande à Paul MACKRILL de dire aux Anglais de bien se reposer, ils seront probablement intégrés aux équipes SSSI. Dans la foulée, nous mettons en alerte les gens de l'ADRASEC, leurs compétences et dévouement seront indispensables dans ce secours. La crue de la Bourne, ayant coupé la route sortie des gorges, oblige à un long détour par le plateau d'Herbouilly. Dès 12h le PC est opérationnel, l'accueil des équipes également. Pour la confidentialité de certains messages vers les autorités, il est décidé de passer par le réseau SAPHIR de la Gendarmerie. Rapidement, un renfort médical installe une tente et un point chaud au camp 1 à -500.

Dès 15h00, engagement d'une équipe de la Croix-Rouge pour la logistique de surface, dont la mission sera le ravitaillement et la préparation des repas. Cet ensemble sera opérationnel dès 17h00. Durant toute l'opération de secours, ses bénévoles furent d'un dévouement sans faille, doublé d'une grande gentillesse. Les rotations d'hélicoptère commencent avec à son bord des équipes mixtes Anglais/SSSI. À cet effet, deux DZ sont mises en place, une à la Molière, l'autre à quelques mètres de l'entrée du gouffre.

Les premières équipes entrent sous terre. Une liaison bifilaire est de suite installée jusqu'à -620, chaque équipe partant sous terre avec un Généphone. Certaines équipes sont composées de spéléologues dotés d'un certain sang-froid, surtout l'équipe 1, de recherche, qui est engagée dans le réseau à 13h30.

C'est le Capitaine VALICH de la CRS Alpes qui gère les rotations de l'hélicoptère. Il est arrivé à 12h30 et a mis à disposition des sauveteurs CRS. À 11h50, la Gendarmerie met en alerte le PGHM d'Oloron-Sainte-Marie pour enquêter (le PGHM de Grenoble n'avait pas à cette époque l'agrément pour enquêter en milieu souterrain).

À 18h54, un message nous parvient du camp 1 à -500. Une équipe anglaise a trouvé la première équipe attardée. Il y a une jeune Anglaise décédée (Nicola D.) et ses deux compagnons (William S. et Käroly T.) sont dans un état d'épuisement avancé. Ils sont à la Cascade des Topographes, à -740. Pas de nouvelles de la seconde équipe perdue. Dans le même temps, nous voyons affluer les spéléologues de la SSSI au PC. Consigne leur est donnée d'aller se reposer et de se préparer à intervenir le lendemain, jeudi, rendez-vous au PC dès 8h00.

À 23h50, arrivée d'un message de l'équipe SSSI n°1. Ils ont fait la jonction avec l'équipe des Hongrois. Il y a un décédé sur corde dans une grande cascade de 27 mètres (Istvan T.). Miklos N. et Zsolt M. sont en vie mais en hypothermie. Message transmis aux autorités par SAPHIR (Gendarmerie). »

Jeudi 11 juillet

« Engagement des équipes disponibles avec des missions bien précises et des consignes strictes concernant les décédés : ne pas toucher aux corps pour les besoins de l'enquête. L'équipement de la cavité est entièrement refait. Au fur et à mesure des besoins, vêtements secs et approvisionnements sont descendus, générant à partir de cet instant des vas et viens importants dans la cavité.

William S. et Käroly T, aidés et réconfortés, remontent au bivouac médical de -500, tandis qu'un autre médecin accompagné d'une équipe renfort se rend à -900 auprès des Hongrois, suivis par une forte équipe ayant pour mission :

  • Équipement de la partie aquatique après purge du matériel détérioré par la crue
  • Escorte par un autre groupe des épuisés bien requinqués par le médecin et un bon repos au bivouac à -500.
  • Remontée vers la sortie.

Devant l'ampleur de l'opération, nous demandons des renforts de la Drôme.

À 16h30 arrivent au PC les Gendarmes du PGHM d'Oloron-Sainte-Marie. Sachant qu'ils sortaient directement de quelques explorations en Espagne dont un -800 dans le Picos, je les oblige à aller se reposer avant d'être engagés le lendemain matin. À la demande du médecin, le matériel médical de -500 est transféré à -900.

À 23h25, nous recevons le message signalant les deux victimes de -900 comme étant perfusées et alimentées, mais trop faibles encore pour commencer la remontée. »

Vendredi 12 juillet

« 06h36 : William S. sort du gouffre avec son escorte.

10h00 : Une équipe CRS/Gendarmes OPJ est engagée sous terre, avec pour mission de faire les constatations officielles et d’emballer les victimes décédées.

12h00 : la Préfecture arrive sur le site.

12h10 : Käroly T. sort du gouffre à son tour, accompagné de son escorte. Dès leur sortie, les rescapés sont acheminés avec leur médecin sur l'hôpital de Grenoble par hélicoptère. La Drôme est engagée pour le portage de la civière depuis -900.

18h00 : Après constat par les deux OPJ, les CRS ont emballé les corps et commencé à les remonter. Mise en alerte du Spéléo-Secours du Rhône pour 8h00 au PC samedi. »

Samedi 13 juillet

« Nous demandons la mise en alerte des Spéléo-Secours de Savoie et Haute-Savoie, avec rendez-vous au PC à 14h. Pendant ce temps, les CRS et Gendarmes sont toujours en train de remonter les corps des deux décédés. L'équipe drômoise, quant à elle, a fait la jonction avec le Hongrois Zsolt M., qui, bien rétabli, se déplacera hors civière. Par contre, Miklos N., moins chanceux, souffre beaucoup, et devra être acheminé sur civière depuis -900.

Afin de ne pas gêner l'accompagnement et le portage civière et surtout de sortir au plus vite, l'équipe CRS laisse passer le cortège, mettant les corps hors du regard sous la cascade Claudine. Cette équipe fera étape à -500 avant de ressortir.

À 6h50, Zsolt M. sort du gouffre avec toute l'équipe. Il est évacué vers l'hôpital par DRAGON à 7h45.

Réception d'un bilan concernant la dernière victime vers 11h00. Son état est stationnaire, il aide même dans certaines manœuvres, mais il est très handicapé par ses pieds très enflés. Son médecin demande l'envoi d'antalgiques. Les renforts demandés arrivent PC. Douze hommes, dont le CT, sont arrivés de Savoie. Ils sont engagés aussitôt pour mettre en place des équipements en double de -250 à l'entrée. Les CRS et Gendarmes sont relevés par une autre équipe CRS (16 hommes) engagée dès la sortie des premiers. Quant aux médecins engagés, ils sont eux aussi relevés au fur et à mesure des missions.

À 17h00, l'équipage de DRAGON demande à ce que la DZ du gouffre soit plus largement dégagée. Les sapeurs-pompiers abattent alors quelques arbres pour agrandir la DZ existante.

À 17h30, l'équipe du fond est à la Cascade des Topographes et annonce son intention de continuer sans interruption jusqu'au Vestiaire à -620, au vu du bon moral de la victime. Ils demandent l'envoi urgent de vêtements secs pour cette dernière. Les renforts de Savoie, Haute-Savoie et Rhône, bien organisés, équipent les puits et déséquipent depuis -900. Envoi de renforts SSSI dans les puits pour renforcer les savoyards. »

Dimanche 14 juillet

« À 00h25, la civière quitte le camp 1 -500.

À 06h15, le corps de Nicola D. est au Vestiaire, celui de Istvan T. est à la Cascade Claudine. Nous demandons alors des renforts de l'Ardèche et de l'Ain.

À 15h00, nous faisons le point de la situation avec le Directeur de Cabinet sur le site du PC.

À 15h20, Miklos N. sort du gouffre avec l'équipe. Pour le moment, les efforts ont surtout porté sur la phase d’évacuation des victimes vivantes. La deuxième phase concernant les décédés demande un renouvellement des équipes. Beaucoup de spéléologues quittent le site très éprouvés, ou ne pouvant plus se permettre des pertes de journées. Les équipes sont relevées par la SSSI, les CRS et le GRIMP. »

Lundi 15 juillet

« Toute la nuit, le transport des corps continue, pendant que d'autres équipes commencent l'évacuation du matériel venant du fond.

À 11h07, l'équipe avec le corps de Nicola D. sort du gouffre. Activation des alertes auprès des spéléologues SSSI et Drôme. Les CT 26 et 74 sont au PC et aident à la mise au point des équipes à venir et des missions respectives pour mardi 16. Le CT 74 dirigera sous terre le brancardage, pendant que la progression continue jour et nuit.

À 23h00 la civière est à la cascade du Petit Général.

Ce même jour, Nick P., averti sous peu de la sortie du corps de sa compagne, me demande de pouvoir la revoir une dernière fois, en dehors de l'hôpital ou la morgue, et loin des journalistes. Les médias le talonnent depuis le début. Je lui recommande de rester sagement au gîte à Autrans en attendant une solution favorable à son désir. Après accord avec les autorités, nous mettons sur pied avec le Colonel de Gendarmerie GIORGIS et ses hommes une mise en scène très rapide pour éloigner les journalistes et photographes au bord du gouffre. L'équipage de l'hélicoptère est mis dans la confidence et pour cause. Après une fausse sortie du réseau, le corps de Nicola fut vite transporté à la DZ du gouffre. De là, DRAGON pris la direction de Grenoble. En réalité, caché à la vue de tous, il se posa dans une prairie en direction du tunnel du Mortier au Nord d'Autrans. Afin qu'aucun véhicule ne soit suivi depuis la Molière, c'est en voiture de la Gendarmerie d'Autrans que Nick PERRIN partit sur le site.

Auparavant, nous l'avions averti de cette initiative. Pris par mon travail au PCO, je n'ai pu assister à cette petite cérémonie, laquelle, d'après le Colonel et quelques témoins, a été très émouvante. Après les minutes de recueillement devant la dépouille de sa compagne, Nick P. joua un air de circonstance, et, très digne, assista au départ du corps sur l'hôpital de Grenoble. L'émotion fut très forte pour certains. »

Mardi 16 juillet

« À 00h40, la civière est à -250, à la base des puits. Les spéléologues sont dans un état de fatigue avancée. Heureusement, des renforts sapeurs-pompiers, CRS (dont six de Nice) et une équipe Anglaise fraîche, arrivent au PC.

À 06h50, un brouillard tenace à la Molière empêche les rotations de DRAGON. Les équipes devront se rendre à pied au gouffre. Le brouillard est identique là aussi. Le déséquipement se faisant au fur et à mesure, l'acheminement du matériel vers la Molière devait se faire par portage en filet par DRAGON. Devant une météo aussi peu coopérative, il est fait appel à des renforts militaires pour le portage du matériel du gouffre à la Molière.

Dès le déclenchement de l'alerte, et pour étoffer la logistique au PC, le Délégué Militaire Départemental, le Colonel ROUGELOT, prît contact avec moi et mit à notre disposition du matériel de l'armée et des hommes de qualité uniquement pour la surface.

L'évacuation du corps de Istvan T. est très ralentie. En effet, ce dernier est très grand et assez lourd (environ 90kg) et la présence de fumées, provoquée par la combustion de déchets à -500, crée des difficultés respiratoires et oculaires chez certains spéléologues. Deux équipiers surveillent l'évolution de la nappe de fumée de -250 vers les puits et un analyseur de gaz DRAEGER avec tubes pour CO et CO2 est demandé. À ma demande, le CODIS fait le nécessaire et achemine le matériel par DRAGON. Dépose à la DZ du gouffre. Je diligente aussitôt des pompiers, compte-tenu de leur expérience dans ce domaine de mesures. Et je neutralise la séquence déséquipement de -500 à -250, pas de récupération des sacs. Ne s'occuper que de la progression civière.

À 13h58, trois spéléologues incommodés sortent. Trois autres sortiront vers 19h00. Les militaires, en plus du transport de matériel, procèdent au nettoyage de la zone de lapiaz autour du gouffre. Guy QUER, CT des Pyrénées, réorganise les équipes évacuation civière et prend la direction des opérations dans le méandre.

À 21h55, le corps de Istvan T. sort du gouffre. Il est mis sous tente au PCA, gardé par la Gendarmerie et sera enlevé le lendemain vers 9h30. Les équipes continuent les missions de déséquipement. Sitôt dehors du gouffre, regroupement et retour vers la Molière des équipes de spéléologues, ADRASEC et des militaires, tous très chargés. Retour de nuit. »

Mercredi 17 juillet

Épilogue

299 sauveteurs ont été engagés pour 4 975 heures de missions sous terre dont 3 724 pour les seuls membres du SSF (79%) et 1 072 en surface.

Les appareils de la Sécurité civile de la base de Grenoble ont effectué 26 heures de vol pour cette opération Il s'agit de la plus grande opération survenue en Isère.

Le coût de l'opération s'élève à 196 748,28 Francs. Après une vive polémique sur le coût de cette opération avec le Maire d'Engins, il apparaît que la commune a été remboursée par le Conseil Général à hauteur de 231 638 Francs. Elle a aussi encaissé le chèque de caution des britanniques pour 10 000 Francs et des sommes versées par les assurances anglaises pour 31 132 Francs. Le total perçu par la commune s'élève à 272 769,71 Francs.

Les suites

La gestion d'Albert OYHANÇABAL est remise en cause par le SSF et par certains isérois. Lui sont reprochés notamment le manque de traçabilité dans le déroulé des événements et l'absence de documents de gestion sur les 4 premiers jours. La préfecture le soutien mais son départ est proche. Il ne gérera plus seul d'opération et laissera sa place en 1998 après plus de 30 ans au service des autres.


Sauveteurs engagés

Croix Rouge Française

La Croix Rouge Française a assuré une permanence pour fournir des repas. 807 seront préparés. 25 personnes sont intervenues à ce titre :

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ADRASEC 38

L'ADRASEC 38 a assuré les transmissions entre le PC, la Molière et l'entrée de la cavité. Ont participé à cette opération :

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Les sauveteurs spéléos

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Témoignage de Thierry LARRIBE

Témoignage d'Alain MAURICE

Témoignage de Bernard OYHANÇABAL

Témoignage d'Enzo MINELLI

Témoignage de Jean-François SIEGEL

Sources

  1. compte-rendu d'Albert OYHANÇABAL.
  2. INFO SSF n°42 septembre 1996.
  3. Spéléo Secours Isère 1970-2010 : 40 ans de secours souterrain – Comité Départemental de Spéléologie de l'Isère.
  4. Lettre de Bernard PERAZIO, Conseiller Général en date du 16/04/1999, relative au remboursement du Conseil Général à la commune.
  5. compte-rendu de Patrick RICHARD, chef de la base hélicoptère de la Sécurité Civile de Grenoble.
  6. compte-rendu de César GALLO, responsable de la Croix Rouge Française en date du 23 juillet 1996.
  7. compte-rendu de Jean Paul YONNET, responsable de l'ADRASEC 38.
  8. compte-rendu financier d'Albert OYHANÇABAL.