1987-08-08 : Gouffre Berger

De Archives 3SI
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Gouffre Berger
08 août 1987
Année 1987
Date 08/08/1987
Massif Vercors
Département Isère
Nombre de Victimes 1
Durée Plus de 4 jours
Nombre de Sauveteurs jusqu'à 160

Le contexte

Le vendredi 7 août, 3 spéléologues britanniques pénètrent dans le gouffre Berger. L'équipe est composée de Steve M., Phil G. et Alex P.. Ce dernier, âgé de 17 ans seulement, distance les 2 autres au bas du puits du Cairn à l'occasion du croisement d'une équipe qui remonte. Lorsque Steve M. et Phil G. arrivent au camp I à -500 m à 19h00, Alex P. n'est pas là. Ils s'installent alors pour dormir.

Dans la nuit, des membres de l'expédition britannique arrivent au camp I en provenance du fond. Ils indiquent ne pas avoir vu Alex P.. C'est alors que les recherches commencent. Ils remontent et arrivent à la Molière vers 9h00 le 8 août. Là, toutes les personnes disponibles se mettent à chercher Alex P.. Une quinzaine descend dans la cavité et fouille jusqu'à -500m, y compris la galerie de la Boue et la galerie Petzl. Vers midi, l'alerte est donnée par un membre de l'expédition à la gendarmerie qui joint Frédéric POGGIA, qui lui-même prévient Albert OYHANÇABAL. Il est alors 13h00.

Un dispositif d'ampleur est déployé pour retrouver l'adolescent. Toute la cavité est fouillée dans un premier temps jusqu'à -640 m, puis jusqu'à -840 m. Des plongeurs, dirigés par Frédéric POGGIA, se chargent des recherches dans les vasques profondes. Les sauveteurs des départements voisins sont appelés en renfort (Drôme, Savoie, Haute Savoie, Rhône). Le grand éboulis situé entre – 400 m et - 500 m est quadrillé pour délimiter précisément les recherches. Pour faire face à l'ampleur des recherches, les spéléologues britanniques donnent la main.

En parallèle, en surface, le territoire situé entre l'entrée du gouffre Berger et le parking de la Molière est passé au peigne fin par des militaires (6ème BCA et 93ème RAM), des gendarmes et des CRS épaulés par des civils et des équipes cynophiles. Ce dispositif est placé sous l'autorité de Gérard VALICH, responsable de la CRS Alpes. L'opération est suivie de près par les autorités municipales préfectorales, consulaires et par la famille très inquiète. Le père d'Alex P. se rend même sur les lieux et va à la rencontre des spéléologues à l'entrée de la cavité.

Au bout d'une semaine, les sauveteurs sont épuisés et le risque de sur-accident s'en retrouve accru. Le 12 août, à 15h30, se tient une réunion du secrétaire général de la Préfecture, du maire d'Engins, du responsable de la CRS Alpes, d'un représentant des pompiers, de la protection civile et d'Albert OYHANÇABAL. Il est décidé de continuer le ratissage avec le maximum d'effectif. Ces recherches ne donnant rien, le 14 août à 14h30 se tient une autre réunion en présence des mêmes acteurs. Après avoir pris l'attache du directeur du SAMU, il est décidé de suspendre le dispositif et de demander aux expéditions suivantes de participer à l'effort de recherche en vérifiant tous les itinéraires possibles. La famille et le consul doivent être prévenus par le secrétaire général de la Préfecture. Une dernière mission est quand même organisée à la demande du Consul Britannique, à qui un journaliste a rapporté la vision d'une médium consultée par la Reine Élisabeth II.

Le 16 août, une équipe menée par Jean-Louis ROCOURT et Serge AVIOTTE part fouiller pour la dernière fois le gouffre Berger. Elle arrive au parking vers minuit. Un dispositif très léger demeure en surface. Sa sortie à 12h20, ce même jour, marque la fin de la phase de recherche. C'est la décision la plus difficile qu'ait eu à prendre Albert OYHNCABAL sur une opération de sauvetage.

Le 20 août, une dernière réunion est organisée pour tirer un bilan de cette opération tant du point de vue de l'organisation des visites au gouffre Berger, que de celui du déroulement des opérations de sauvetage. Il en ressort que la mairie veut baliser l'accès à la cavité, instaurer une plus grande surveillance des allées et venues dans le gouffre. De son côté, la Préfecture souhaite améliorer les communications sur le terrain et assurer la sécurité des intervenants par la présence d'un médecin lors d'un sauvetage nécessitant beaucoup d'intervenants.

Le 27 août, le Consul Britannique adresse ses plus vifs remerciements à Albert OYHANÇABAL ainsi qu'à tous les sauveteurs engagés sur l'opération. La disparition d'Alex P. a ému les britanniques. L'émotion est d'autant plus forte que les tabloïds s’emparent de l'affaire. De nombreuses hypothèses, toutes plus saugrenues les unes que les autres, sont publiées. Les journalistes britanniques tentent d'obtenir des informations par tout moyen. L'élan de solidarité avec les sauveteurs est aussi important. Par lettre du 8 novembre 1987, D.H. WELLENS, de la paroisse de St-Georges dont est originaire Alex P., fait don de 1 500 francs à la 3SI.

La réunion de septembre du Comité Départemental de Spéléologie est consacrée à l'opération de secours. Devant l'abattement des spéléologues, Albert OYHANÇABAL explique que tout a été tenté et qu'il ne faut pas culpabiliser. L'abandon des recherches officielles est quand même vécu comme un échec par de nombreux spéléologues locaux. Des recherches hors plan de secours sont donc effectuées par certains, dont Albert OYHANÇABAL, François LANDRY et Baudouin LISMONDE, tant en surface que sous terre.

Sauveteurs engagés

Ont notamment participé à cette phase de recherche sous terre :

Témoignage

Bernard OYHANCABAL nous livre un témoignage :

« Cet accident se passe alors que je me trouve sous les drapeaux, en plein service national. Le hasard a voulu que je sois affecté en unité à la Brigade de Gendarmerie de Pont de Claix. Lorsque l'alerte fut initiée, mon commandant d'unité fut prévenu par mes soins, que j'étais suceptible d'être engagé. Un refus catégorique me fut administré au visage. Dont acte. Le lendemain, lorsque le CTA me contacta pour m'annoncer le besoin de mes services, je lui rendis compte de ce refus. Il ne s'est pas passé une heure avant que mon commandant d'unité vienne me voir tout penaud, en m'amenant un nouvel ordre de mission : « vous êtes détaché sur l'opération de secours jusqu'à la fin des opérations. Ordres du colonel à Grenoble ». J'appris plus tard que le CTA était à côté du colonel, commandant le groupement de l'Isère. Celui-ci, lorsqu'il sut ma non-disposition, décrocha le téléphone et administra à mon commandant d'unité une brassée, dont seuls les militaires ont le secret... L'opération pouvait commencer pour moi, avec un dénominateur : la brassée...

Le temps de préparer mon matériel, de prendre Pierrot Dalla-Libéra, et nous voilà, dans la 4L, direction la Molière, via les Gorges de la Bourne. Une fois Autrans passé, nous nous retrouvons derrière une voiture roulant moins vite que nous, mais bien trop pour la doubler (surtout avec une 4L pleine de matos). Et que voyons-nous : tout le long du trajet des papiers jetés par la fenêtre du véhicule nous précédant. Au tunnel du Mortier, celui-ci s'engage en direction de la Molière, tout en continuant le jet de papiers. Quid de se garer au parking de la Molière à coté de nous. Le dénominateur ne s'est pas démenti : brassée. Le gendarme en poste vient nous voir, inquiet du ton. A notre récit, il rajouta une seconde couche à la famille incivilisée…

Employés sous terre plusieurs fois, tout se déroula on ne peut mieux, malgré une certaine pression. Puis les recherches s'étendirent à l'extérieur. Et de quadriller le lapiaz « au cas où ». Les équipes étaient composées soit de militaires du 6e BCA et du 93e RAM de Varces, ou de pompiers locaux ; supervisés d'un noyau de spéléos de la 3SI ou des corps constitués. Avec Pierrot Dalla-Libera, nous prenons la tête d'un groupe, supervisant une équipe de pompiers. A la couenne rougie des visages nous comprenons rapidement que les pompiers de … en Vercors, étaient avant tout chasseurs. Le début de la prospection fut sans incident, nous démarrions de l'entrée du Berger, pour suivre les lapiés jusqu'aux falaises. Au fil de notre avancée, l'équipe s'amenuisait. Les pieds des chamois étaient bien plus intéressants, surtout à moins d'un mois de l'ouverture de la chasse. Au bout du compte, à deux, nous balayons la zone intégralement, pour déboucher au sommet des falaises. Sur les pentes des sommets, nous apercevions les autres membres de feu notre équipe, courant après les chamois. Les bras nous en tombaient. Retournés à l'entrée du Berger, où était sis un PCA, nous rendions compte à Gérard Valich, qui coachait l'intégralité des équipes, de nos péripéties. Les chasseurs en questions prirent … une brassée à leur retour. Et en punition ? Un retour sur zone, à refaire le travail, mais sans chamois cette fois... »


Épilogue

L'année suivante, le corps est découvert par Jean Louis ROCOURT et évacué.

Les remboursements de frais des sauveteurs ne sont pas effectués dans des délais corrects. L'assurance du club anglais mettant en avant que la matérialité de l'accident n'a pas été démontrée car le corps n'a pas été découvert. La compagnie ne verse finalement les sommes dues aux différents intervenants qu'en juin 1989.

Le coût de l'opération s'élève à 26 653,32 Francs.

Documents

Sources

  1. Compte rendu d'Albert OYHANÇABAL.
  2. Témoignages d'Albert et Bernard OYHANÇABAL et François LANDRY parus dans Spéléo Secours Isère 1970-2010 : 40 ans de secours souterrain – Comité Départemental de Spéléologie de l'Isère – 2010.
  3. Comptes-rendus de Pascal SOUVION et de Christian DODELIN respectivement Conseillers Techniques de la Drôme et de la Savoie.