1991-04-29 : Grotte de Gournier : Différence entre versions

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Version du 27 janvier 2021 à 13:50

Grotte de Gournier
29 avril 1991
Année 1991
Date 29/04/1991
Massif Vercors
Département Isère
Nombre de Victimes 2
Durée 3 jours
Nombre de Sauveteurs 20

Daniel C., Olivier B. et Martial P., spéléologues lyonnais, ainsi que Bruno G. et Stéphane T., du Montélimar Archéologie et Spéléo Club, partent passer le week-end des 27 et 28 avril 1991 dans la grotte de Gournier. Ils doivent abaisser le niveau du 1er siphon et prévoient de sortir dimanche dans l'après-midi.

Le lundi 29, une proche et un employeur des montiliens s'inquiètent du non-retour des intéressés et appellent Jean-Jacques AUDOUARD. Ce dernier appelle Albert OYHANÇABAL pour l’informer du retard . Il est 9h30, le lundi 29 avril. La présence des véhicules sur le parking des grottes de Choranche est confirmée par Gilbert MANTOVANI, gérant des grottes, qui précise que les précipitations du week-end ont provoqué une crue.

20 sauveteurs de la 3SI dont 3 plongeurs sont mis en alerte et le SAMU est placé en pré-alerte. Les prévisions météorologiques sont défavorables. À 16h57, les premiers sauveteurs arrivent sur site. À 20h40, la première équipe de sauvetage entre dans la cavité.

Le mardi 30 avril à 3h25, la 2ème équipe s'engage dans la cavité. À 6h30, une légère décrue s'amorce. À 7h30, la première équipe rend compte de sa mission : si elle a pu atteindre la cascade de 12 m, le débit est encore important et empêche toute progression. À 12h30, une 3ème équipe part pour forcer le passage en posant des équipements adaptés. À 18h15, une équipe annonce la jonction avec les personnes bloquées qui sortent de 19h40 à 19h52.

Le mercredi 1er mai, les sauveteurs déséquipent partiellement la cavité. Le coût de cette opération a été évalué à 9 165, 54 Francs.

Sauveteurs engagés

Ont participé à cette opération pour la 3SI :

3SI
Philippe AUDRA Jean AGOSTINI Rodolphe ALONSO Jean-Louis DABENE
Bruno DELANDRES Pierre GARCIN Olivier GOLA Pascal GRENET
Pierre LICHERON Stéphane MARIGOT Jean DANIEL MESIERZ Jean-Claude MIEGE
Bernard OYHANÇABAL Jean-Louis ROCOURT Arthur SAFON David WOLOZAN
Albert OYHANÇABAL France ROCOURT Frédéric POGGIA Éric SANSON

Témoignage

Bernard OYHANCABAL nous livre son témoignage :

« Inutile de développer cette alerte, parvenant aux oreilles des sauveteurs en même temps que les messages météo alarmistes. La crue est bien installée, constamment alimentée par des précipitations ininterrompues. Et puis, une fenêtre météo est annoncée, assez courte, mais suffisante pour tenter le passage.

Jean-Louis Rocourt et moi-même sommes désignés pour foncer et forcer le passage de la cascade de 12m, ainsi que les rus d'eau subjacents. Nous sommes tous deux grands connaisseurs du réseau. Surtout Jean-Louis, à qui cela remémore bien des souvenirs. 1976, autre opération, autre crue, et un blocage de nombreuses heures dans les vires dominant ce même lieu. Pour moi, c'est surtout la connaissance du fonctionnement de cette rivière qui est limpide : temps de réponse, vitesse de transit, saturation du karst, état de la végétation...

Sur le parking, il ne pleut plus depuis peu, mais le ciel ne me dit rien qui vaille. Nous nous affairons sur notre matériel, spéléo, plongée, escalade, bouffe et éclairage pour 3 jours. Vérifications ultimes, dernier briefing, dernier point météo : go !

À peine les premiers mètres du chemin d'accès sont gravis, que des gouttes bien lourdes nous accueillent : Welcome at Gournier; semblent-elles nous susurrer... C'est même le Capitaine de gendarmerie qui nous aide à porter le canot, avec feu Milko Milesi, guide dans Choranche. Parvenus au lac, des trombes d'eau s'abattent de nouveau sur le site. Cela doit être gai au Mont Noir... Nous pénétrons dans l'antre, aucun mot entre nous. L'avancée au sein des blocs du fossile, nous permet d'échanger quelques jurons, à l'issue d'une glissade. L'accès 4 est vite là. Changement de déguisement : nous sortons le néoprène. Puis descente en direction « du bruit ».

La rivière est dantesque. D'autres équipes ont entamé l'équipement hors-crue de la rivière, mais ont pris du retard. Tant pis, on passera dans l'actif. Gournier et sa rivière... Autant débonnaire à l'étiage, que dévoreuse en hautes eaux. D'une rare puissance... Et elle nous le fait rudement sentir. Le Grand Chaos se franchit plus aisément, pour nous amener à un vacarme assourdissant. Nous y voilà, la C12.

Ambiance extrême : Jean-Louis me hurle à l'oreille, je n'entends rien. Son effort lui entraine une quinte de toux. Il a avalé beaucoup d'embruns en suspension dans l'air. On respire difficilement ; on n'y voit rien, le masque permet d'y voir un peu mieux. Nous préparons le matos d’escalade plus en aval, pour se comprendre : Jean-Louis part en tête, je l'assure.

Retour au pied du monstre bouillonnant. Toute communication est impossible. C'est donc par gestes que cela se fera dans un premier temps. Jean-Louis gravit aisément les premiers mètres. Le maître est à l'œuvre. Il parvient sur le pilier dominant la cascade. Nouveau problème, il n'est plus à vue. Ce sera par signaux lumineux que nous communiquerons. La corde se déroule. Et nouveau soucis : il a passé un autre bombé qui me masque intégralement sa lumière. Moment de solitude ; où le ressenti de la tension de la corde n'est plus que le seul lien nous unissant... avec le risque maximal de montée des eaux.

Groggy par le bruit, les embruns, j'attends de longues minutes sans le moindre mouvement, avant de le voir redescendre. Victoire ! Nous nous retrouvons en sommet de cascade. Le temps d'enlever le masque, de se faire un sourire ; il faut se rendre à l’évidence : il n'y a personne de coincé ici. Il faut vite foncer vers l'amont avant la remontée des eaux, et trouver les victimes... Les rus d'eaux en amont de la C12 n'inspirent pas à la faute. Un crampon de botte qui effleure les rapides, et l'homme est balayé comme un fétu de paille. La progression est lente. Mais une lueur devant nous vient lever nos supputations : toute l'équipe des coincés ressort par ses propres moyens. Du moins, ils essayent, car sans nos équipements, toute tentative de sortie est impossible.

En tête, Daniel C. mène sa troupe. Et c'est une succession de jurons qui nous accueille. Irréel. En pleine rivière, en pleine crue, l'équipe de pointe des sauveteurs se fait agresser. Au bout d'un moment, nous coupons court, en leur mentionnant notre rentrée sous la pluie battante, et l'imminence d'une autre montée des eaux. Cette dernière nous est même confirmée par tous, qui ont vu monter l'Affluent de l'Ange en quelques instants. Nous décrochons tous au plus vite.

À notre sortie, les journalistes, très choqués du comportement de Daniel C., se sont « occupés » de son cas, en le harcelant de questions, et faisant ressortir son comportement « douteux ». Pour être objectif, Daniel s'est excusé quelques temps après. Nous lui avons pardonné. Et nous entretenons d'excellentes relations depuis. »

Sources

  1. Témoignage de Bernard OYHANCABAL.
  2. Compte-rendu d'Albert OYHANÇABAL.